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Dans le Rhône, les professionnels du vin contraints de se réinventer pour faire face aux changements de consommation

Un article rédigé par L.D. - RCF Lyon, le 10 mai 2024 - Modifié le 10 mai 2024
Tempo · Le podcast d'actualité de RCF LyonDans le Rhône, le secteur du vin se réinvente pour faire face aux changements de consommation

En 60 ans, la consommation de vin a baissé de 70 % en France. Une chute drastique pour cet alcool qui a longtemps fait la réputation de nombreux territoires, dont fait partie le Rhône. Face à cette baisse de la consommation et aux changements d’habitude, cavistes et vignerons s’organisent pour maintenir leur activité à flot et multiplient leurs activités pour s’adapter.  

©Laurette Duranel/RCF©Laurette Duranel/RCF

Fin 2023, une nouvelle étude réalisée par Ipsos Observer pour FranceAgriMer et le CNIV, le Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique, confirmait une fois de plus la baisse de la consommation de vin en France depuis 60 ans. En 2022, les consommateurs réguliers de vin en France ne représentent plus que 11 % de la population, contre environ 50% en 1980. 

Le vin ne coule plus à flots

Et si les chiffres par département ne sont pas détaillés, le Rhône ne semble pas avoir échappé à la baisse de la consommation de vin ; et les professionnels du secteur l’ont bien ressenti. "Il y a quand même encore du monde qui vient, mais il y a malgré tout une diminution de la fréquentation. Le week-end, les gens sont beaucoup moins présents. Par exemple, le samedi je fais à peu près la moitié des ventes que je faisais il y a quelques années en arrière", raconte Anaïs Josserand, caviste de La Cave Ô Papilles dans le 3e arrondissement de Lyon.  

Et cette baisse de fréquentation s’est aussi accompagnée d’une diminution du panier moyen. "Les gens préfèrent une bouteille un peu plus simple, un peu plus facile à consommer qu'un grand vin", constate la caviste dont le chiffre d’affaires a baissé de 7 à 8%.

Le cocktail qui explique la baisse de consommation 

Les raisons à ces changements d’habitude et de consommation sont multiples. D’abord l’inflation a entraîné une hausse des coûts de production et des matières premières comme le liège, le verre ou le carton. Les bouteilles de vin ont par conséquent vu leur prix augmenter, dans le même temps où le pouvoir d’achat lui s’est réduit. 

Les goûts ont également changé. Désormais, nombreux sont les consommateurs qui préfèrent acheter "un vin plus simple et donc moins cher" car ils ont "peur de ne pas être capables de comprendre, de savourer le produit ; voire ça ne les intéresse pas", constate Anaïs Josserand. Aussi, les façons de consommer le vin ont changé. Désormais, "les gens ne consomment plus comme autrefois à table autour d’un grand repas, mais plutôt dans un format apéritif et grignotage dans l’idée du partage. On est vraiment autour du produit vin plutôt que dans la notion des accords", ajoute la caviste qui constate que les régions viticoles n’ont plus vraiment d’importance

Surtout, ce qui a contribué à faire baisser la consommation de vin, ce sont sans doute les campagnes de lutte contre l’alcoolisme. Des campagnes efficaces mais qui ont eu pour effet de "diaboliser" la consommation de vin, déplore Gérard Presle, viticulteur tout juste retraité dans les Pierres dorées : "on a tellement diabolisé le vin, que les gens n'osent même plus boire un verre et ça c'est dommage. On voit trop la consommation du vin comme de l'alcoolisme, et c'est regrettable parce que c'est toute une culture et puis je dirais qu'en plus de ça, c'est une façon de vivre"

Les professionnels mettent de l’eau dans leur vin

Face à ce constat inéluctable de la baisse de la consommation de vin, les professionnels du secteur sont contraints de s’adapter, d’abord en diversifiant leurs modes de vente. Comme Lucie Rivière, vigneronne au Domaine de Prapin dans les Coteaux du Lyonnais, qui fait de la vente en direct mais aussi via des cavistes et des restaurateurs. "Il faut multiplier, il faut avoir deux fois plus de clients pour vendre autant qu’avant", explique-t-elle. Désormais, sa casquette de commercial occupe 70% de son temps. 

Pour attirer les clients, Lucie Rivière a également développé l'œnotourisme, en vogue depuis quelques années. "Maintenant, les gens souhaitent une expérience quand ils viennent au domaine. Ils ne souhaitent pas simplement découvrir les vins et acheter du vin, ils veulent vraiment découvrir notre métier, en savoir plus, parce que c'est un métier très polyvalent et qui est admiré par plein de gens", constate-t-elle, ajoutant que la curiosité des clients va de pair avec la recherche de qualité

Il faut avoir deux fois plus de clients pour vendre autant qu’avant

Dans sa cave, Anaïs Josserand a elle aussi fait quelques modifications pour s’adapter aux goûts de ses clients. En plus de proposer une gamme qui soit raisonnable au niveau tarifaire, elle a changé l’organisation de sa boutique. "Avant, c’était classé par région, comme la plupart des caves, et aujourd'hui, c'est classé par moment de consommation, par exemple apéritif, apéro dînatoire, pique-nique, barbecue", énumère-t-elle. "Ça perturbe les clients habituels, mais il y a beaucoup de gens qui trouvent ça plus adapté, plus sympa, plus convivial", assure-t-elle. 

Vers des vins moins alcoolisés 

La caviste mise aussi sur d'autres boissons comme la bière qui est la seule boisson alcoolisée à gagner de nouveaux consommateurs, selon l’étude de FranceAgriMer. Et puisque 19 % des Français déclarent ne consommer aucune boisson alcoolisée, la caviste a également commencé à créer un rayon sans alcool. "On sent que la demande augmente tout doucement, mais sûrement. Il y a effectivement de plus en plus de produits et des choses vraiment intéressantes", assure-t-elle. 

Quant aux vignerons et viticulteurs, l’enjeu est de proposer des vins moins alcoolisés. "La tendance va vers des vins légers", confirme Lucie Rivière qui essaie depuis deux ans de "faire des récoltes avec des maturités pas trop poussées pour avoir des alcools pas trop élevés, entre 11 et 12,5 degrés". Un défi supplémentaire alors que le degré d'alcool des vins a augmenté de 2 % en 20 ans, en raison du réchauffement climatique. 

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