Une journée de grève au ministère des Affaires étrangères est prévue le 2 juin prochain. C’est rarissime. La colère ne semble pas prête de retomber. Les diplomates se mobilisent contre un décret paru en avril qui prévoit la disparition du corps diplomatique.
C’est un mouvement de grève historique. Et pour preuve, le quai d’Orsay n’en avait pas connu depuis 19 ans et celle de 2003. Une intersyndicale a déposé un préavis pour la journée du 2 juin, à l’appel d’un collectif de 400 diplomates. La raison de la colère : un décret publié le dimanche 17 avril, entre les deux tours de l’élection présidentielle, dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique. Il acte pour 2023 la disparition de deux corps : les conseillers des affaires étrangères et les ministres plénipotentiaires, les postes les plus hauts en termes de hiérarchie.
"En moins de 30 ans, 50 % des effectifs ont diminué. Là on prévoit une accélération de la diminution des activités consulaires", s'agace Joseph Thouvenel, secrétaire confédéral de la CFTC, syndicat qui appelle à cette grève. Le syndicaliste regrette une décision "prise en catimini". "On prend une décision très importante de suppression d'un certain nombre de postes sans faire de consultation au préalable", lâche-t-il.
C’est donc d’abord la méthode qui interroge : un décret publié sans concertation. Même son de cloche du côté du Sénat. "Dans quel pays supprime-t-on un corps d'élite sans que la représentation nationale ait son mot à dire ? Je pense que ce sujet était suffisamment d'importance pour l'évoquer devant le Parlement", dénonce Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat, et sénateur Les Républicains du Val-de-Marne.
Le corps diplomatique est un corps prestigieux, qui regroupe des hauts fonctionnaires qualifiés et passés par des concours très sélectifs. Des personnes qui ont aussi un goût particulier pour ces affaires et l’envie de vivre à l’étranger. Dès 2023, les hauts fonctionnaires vont être regroupés dans le nouveau corps des administrateurs de l’Etat. Ils ne seront donc plus rattachés à une institution spécifique et pourront changer durant leur carrière.
"Cette réforme est absurde parce qu'au moment où la France est au cœur d'un tissu international particulièrement mouvementé, nous avons absolument besoin de véritables compétences que notre corps diplomatique français doit continuer à assurer. Être diplomate ce n'est pas simplement faire de la représentation autour d'un thé et de petits fours, c'est aussi négocier. Est-ce qu'on se rend compte de ce que c'est d'être dans l'équipe de la représentation française à New-York ? Cela nécessite de vraies connaissances", insiste Christian Cambon.
Avec cette réforme, le gouvernement entend rendre ces hauts fonctionnaires plus mobiles. "On va, au prétexte d'aérer le corps, nommer le directeur des services fiscaux du Lot-et-Garonne à Oulan-Bator en Mongolie mais ça représente quoi ? Est-ce que tous nos fonctionnaires sont interchangeables ? À l'inverse, quelle sera l'efficacité d'un diplomate qui aura été en poste à Montevideo et qui se retrouvera dans un service d'Etat à Caen ou à Lyon ?", s'interroge le président de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat qui a missionné trois sénateurs de faire un rapport sur cette réforme.
Beaucoup de craintes sont émises côté diplomates, notamment sur une mise en concurrence de ces agents et un éventuel copinage : l’idée qu’un ambassadeur puisse être nommé en fonction des amitiés politiques et non pas de ses compétences, ce qui est fréquent aux Etats-Unis. "On voit arriver de plus en plus de possibilités de nominations à des postes importants qui sont plus près du copinage que de nomination sur des gens qui en ont l'expérience. La réforme ouvre une facilité déconcertante pour le politique pour nommer des gens qui avant devaient passer par une expérience diplomatique", affirme Joseph Thouvenel, secrétaire confédéral de la CFTC.
Le président de la commission des affaires étrangères au Sénat préconise lui que le Parlement valide les nominations de ces hauts fonctionnaires. En tout cas la nomination d’une nouvelle ministre des affaires étrangères Catherine Colonna, qui a une carrière de diplomate, pourra peut-être contribuer à retisser la confiance. Un chantier d’envergure.
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