Peut-être avez-vous choisi de relever le "défi de janvier" ou "dry January" en anglais. Pas d’alcool durant un mois après les fêtes. Poussé par cet événement, mais pas seulement, la consommation de boissons désalcoolisées à le vent en poupe en France.
L’essor du "sans alcool" a démarré aux Etats Unis. Le phénomène est arrivé ensuite en Europe du Nord depuis une dizaine d’années. En France, c’est plus récent avec un marché en forte progression : +25 % en 2022. En 2024, 28 % des Français déclaraient consommer des boissons sans alcool, dont 41 % des 26-35 ans, selon le baromètre SOWINE. Les boissons désalcoolisées sont particulièrement mises en avant lors du "défi de janvier" ou dry January" en Anglais, mais la consommation s'étale tout au long de l'année. De plus en plus de cavistes spécialisés ouvrent, notamment dans les grandes villes. On en compte déjà une vingtaine en France.
Chez Karsk Spirit, à Lyon, en activité depuis un an, les cocktails, bières et vins s’alignent dans les présentoirs. "L'idée est de proposer une alternative aux sodas, jus de fruits, sans tomber dans le côté sucré, avec des boissons travaillées, festives et inclusives" explique son propriétaire Marc Volpei. "Il y a ceux qui veulent arrêter l'alcool. Ceux qui boivent de l'alcool, mais veulent aussi des alternatives. Sur les vins, on va être sur une population 30, 35, 70 ans et plus. Sur les bières, c'est plus jeune, et sur les cocktails, c'est un peu tous les âges" précise-t-il.
Marc Volpei confie aussi voir passer dans sa boutique beaucoup de femmes enceintes. Pour convaincre ses clients, il organise régulièrement des dégustations, notamment de vins désalcoolisés. "Quand on vient acheter un vin désalcoolisé, il faut oublier son référent alcoolisé. On est sur une boisson qui va être différente. Il ne faut pas se dire, je vais retrouver le même goût, la même chose".
Dans un contexte de déconsommation du vin en France, le sans alcool est l’un des rares marchés en croissance et le produit intéresse de plus en plus de producteurs. Vincent Pugibet exploite le domaine de la Colombette à Béziers. C’est un précurseur, car il a commencé au début des années 2000 à retirer des degrés d’alcool à ses vins. "Ce n’était pas dans une démarche hygiéniste, mais pour atténuer certains vins trop alcoolisés avec le réchauffement climatique" dit-il.
Petit à petit, il a vu un marché intéressant se profiler. Mais sa démarche n’était pas vraiment bien vue. "Au départ, ça a été vraiment violent. Je me souviens d’un article intitulé Les eunuques, les castrats et le vin désalcoolisé. Toucher au niveau d’alcool, c’était enlever la virilité du produit" raconte le vigneron. "Aujourd'hui, vraiment, on hallucine de voir l'évolution et le basculement des distributeurs, des acheteurs et des clients vis-à-vis de cette catégorie-là" se réjouit Vincent Pugibet qui commercialise un million de bouteilles par an.
Du côté des addictologues l’essor commercial du sans alcool est plutôt vu d’un bon œil. "Le succès de l'opération du défi de janvier fait que le sans alcool est devenu un créneau commercial. Les risques liés à consommations d'alcool en France sont tels que les alternatives sans alcool représentent certainement un gain pour la santé globale de la population", estime le Dr Bernard Basset président de France Addictologies.
"La qualité des produits sans alcool s’est aussi sensiblement améliorée" remarque le caviste Marc Volpei, désormais démarché directement par des producteurs. Des chefs étoilés ne sont pas non plus insensibles au phénomène. Thierry Marx et Christophe Hay, entre autres, participent à l’opération "accord essentiel" menée avec la Ligue contre le cancer durant tout le mois de janvier pour proposer dans leurs restaurants des accords sans alcool avec leurs plats.
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