Trois prêtres issus des Missions étrangères de Paris, dont l’actuel évêque de La Rochelle, sont sous le coup d’enquêtes judiciaires pour des faits présumés de violences sexuelles. Une nouvelle affaire qui secoue l’Église catholique, et pose de nouvelles interrogations.
La justice est amenée à se pencher sur des accusations de violences sexuelles visant trois prêtres issus des Missions étrangères (les MEP). L’un des cas était déjà connu, puisqu’il a été révélé il y a quelques semaines, en plein triduum pascal. Un second concernerait un autre prêtre qui était jusqu’à peu missionnaire au Japon. Et le troisième, le plus tonitruant, porterait sur l’ancien supérieur général de la vénérable institution de la rue du Bac, à Paris, et actuel évêque de La Rochelle et Saintes, Georges Colomb. Les faits présumés – qu’il conteste fermement – feraient état d’une agression sexuelle ou d’une tentative de viol.
Dans la foulée de ces révélations, Mgr Colomb a demandé à être mis en retrait, pour pouvoir se défendre. Une telle situation est inédite en France, au sens où elle concerne un évêque en poste. Si on compare avec les récentes affaires Santier et Ricard, nous étions face à des évêques émérites, donc à la retraite. Ce qui change concrètement ici – et c’est aussi ce dont la demande de mise en retrait de Georges Colomb montre –, ce qui change c’est qu’un évêque est celui qui, non seulement reçoit des victimes, mais est aussi, dans son diocèse, l’autorité qui statue sur les dossiers d’emprise et de violences sexuelles. On peut donc légitimement se demander si de tels soupçons sont compatibles avec cette autorité, quand bien même la présomption d’innocence s’applique bien entendu.
D’autant qu’il y a plus. Les enquêtes révèlent que les accusations qui sortent aujourd’hui ne dateraient pas d’hier. Les MEP, la nonciature et diverses autorités ecclésiales auraient bel et bien été alertées dès 2015, avant l’ordination épiscopale de Georges Colomb. Ce qui pose de lourdes questions sur la réception des témoignages de victimes et la réalité des enquêtes qu’ils peuvent déclencher.
Au-delà des trois enquêtes judiciaires en cours, est-ce qu’une responsabilité particulière des Missions étrangères peut être questionnée ? Il semble qu’il y a bien eu, aux MEP, un changement dans le traitement des signalements en interne ces dernières années. Pourtant, quand on compare les différents témoignages reçus, il est difficile de ne pas s’interroger sur un possible "mode opératoire" similaire dans les violences sexuelles présumées. Une ambiance, une relation de confiance ou d’amitié, qui – selon les témoins – aurait soudain basculé dans l’agression ou le viol.
On peut aussi se demander s’il n’y aurait pas une certaine culture du secret et de la dissimulation, notamment de "manquements à la chasteté" (comme on dit), qui pourrait former un "terreau" à des dysfonctionnements. Jusqu’à brouiller parfois les frontières du consentement ? Y a-t-il ici une dimension systémique ? Ces questions restent à creuser. Peut-être que l’audit interne lancé récemment par l’actuel supérieur des MEP permettra de mieux mesurer cela.
L’autre aspect inédit de cette affaire, c’est qu’elle a donné lieu à une collaboration entre mon journal, La Vie, et deux autres : La Croix et Famille chrétienne. Compte tenu de la gravité particulière de cette affaire, et comme il était évident que nous enquêtions en parallèle depuis un moment, nous avons choisi d’échanger des informations et de mutualiser des contacts. Pourquoi ? Parce que nous voulions pouvoir vérifier au mieux ce que nous écrivions. Même si chaque titre est évidemment resté indépendant et publie ses propres articles. Il y a un message derrière ça : c’est que le travail de vérité est bien plus important que tout le reste, y compris la concurrence entre journaux. Dans ces affaires, nous ne défendons pas nos propres intérêts, nous ne cherchons pas le scoop, mais seulement la justice. Tout le reste est secondaire.
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