Pas un média n’a manqué d’évoquer la disparition, à 72 ans, de Philippe Pozzo di Borgo, rappelant immanquablement qu’il était « l’homme qui avait inspiré le film "Intouchables" ». L’homme d’affaires et aristocrate corse était en effet devenu célèbre à la sortie, en 2011, de ce film qui demeure l’un des plus grands succès du cinéma français.
Pourquoi cette histoire avait-elle autant touché les spectateurs ? Elle relatait la rencontre entre un homme au handicap lourd et un jeune Sénégalais recruté comme auxiliaire de vie parce qu’il était le seul des candidats à ne pas regarder Philippe avec un regard de pitié, et qu’il le considérait même avec une bonne dose d’humour ! Devant l’excellente interprétation de François Cluzet et d’Omar Sy, les Français ont ri. C’est précisément ce que Philippe Pozzo di Borgo avait exigé des réalisateurs en acceptant qu’ils relatent cet épisode de sa vie, survenu après l’accident de parapente qui l’avait condamné à l’immobilité, suivi, trois ans plus tard, par la mort de son épouse. On a ri, donc. On a versé une larme, aussi, touchés par la découverte, derrière la violence du handicap et la vulnérabilité, d’une folle espérance et de l’inaltérable dignité humaine.
Les nombreux hommages ont très justement souligné que Philippe Pozzo di Borgo avait "changé le regard sur le handicap". Et puis ? Combien connaissent l’engagement qui était le sien ? Passés les bons sentiments, combien donnent du crédit aux propos de cet homme de foi qui, ayant accepté que soit mise en scène sa souffrance, était un défenseur acharné des plus vulnérables ? Privé de l’usage de ses bras et de ses jambes, il avait, après avoir apprivoisé sa grande fragilité, déplacé des montagnes d’amour et de joie, participant notamment à la fondation de l’association Simon de Cyrène avec ses maisons partagées réunissant personnes handicapées et bien portantes.
Et Phillipe Pozzo di Borgo ne mâchait pas ses mots sur le funeste projet législatif sur la fin de vie qui se dessine. "Après mon accident, témoigna-t-il un jour, quand je ne voyais pas de sens à cette vie de souffrance et d’immobilité, j’aurais exigé l’euthanasie si on me l’avait proposée. En toute liberté, j’aurais cédé à la désespérance, si je n’avais pas lu, dans le regard de mes soignants et de mes proches, un profond respect de ma vie, dans l’état lamentable dans lequel j’étais. Leur considération fut la lumière qui m’a convaincu que ma propre dignité était intacte."
Une dignité qu’il cultivait, malgré la souffrance qui perdurait et les soins qu’il fallait recevoir. Toujours tiré à quatre épingles, Philippe Pozzo di Borgo accueillait ceux qui le rencontraient pour la première fois avec une simplicité désarmante. Impressionné devant ce grand bonhomme bloqué dans son fauteuil, vous ne saviez comment l’aborder. "Touchez-moi simplement la main si vous voulez", conseillait-il. Et la glace, alors, était brisée. Vous avez dit intouchable ?
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