Les informations tardent à arriver depuis cette région coupée du monde. Alors que la liste des religieuses et religieux catholiques enlevés au Tigré s'allonge, des autorités religieuses sur place parlent d'un "génocide" en cours.
En Éthiopie, deux religieuses de l’ordre des Ursulines ont été arrêtées les 30 et 31 décembre derniers à Kobo dans le nord du pays. Avant elles, six autres religieuses et deux diacres avaient été arrêtés fin novembre. 17 missionnaires salésiens figurent aussi sur cette sombre liste. Si les six religieuses viennent d'être libérées, comme l'annonce Vatican News ce mardi 18 janvier, la situation reste dramatique dans la région.
"Le point commun de ces arrestations, c’est que les gens viennent du Tigré, au nord-ouest du pays." Mais quels sont les motifs d’arrestation des missionnaires catholiques de cette région ? "Officiellement on les arrêtes parce qu’ils aurait des contacts avec le Front de libération du Tigré, explique Thomas Oswald, journaliste pour l'Aide à l'Église en détresse (AED), officieusement ça gêne le gouvernement d’avoir des religieux religieuses catholiques qui ont accès aux grands médias, ils préfèrent qu’on ne parle pas."
Cela fait plus d’un an qu’une guerre civile ravage le nord du pays. Le conflit a éclaté à la fin de l’année 2020 entre le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) et le gouvernement éthiopien, lui-même appuyé par l’armée érythréenne. La région du Tigré est coupée du monde, elle fait l’objet d’un blocus. L’OMS a récemment dénoncé le blocage de l’aide humanitaire : depuis la mi-juillet, médicaments et nourriture ne peuvent être acheminés jusqu’aux populations. Une situation "épouvantable et inimaginable", selon le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il est lui-même originaire d’Éthiopie et ancien membre du FPLT.
"Depuis l’origine du conflit toute la région a été coupée", raconte Thomas Oswald au micro de Pauline de Torsiac. L’AED obtient généralement des informations "avec un mois de retard", le plus souvent via des prêtres, une fois qu’ils ont "fui" le pays pour d’autres régions ou d’autres pays voisins comme le Soudan.
La région inquiète les ONG comme les Église chrétiennes. En décembre dernier, le journal Libération parlait d'un "nettoyage ethnique" en cours au Tigré et rapportait les propos du patriarche de l’Église orthodoxe éthiopienne pour qui un "génocide" était en train de se produire. De même, Mgr Tesfaselassie Medhin, l'évêque de l'éparchie catholique d'Adigrat (Tigré), "dénonce carrément un génocide", rapporte Thomas Oswald de l'AED. "Il a des rapports de ses paroissiens font part de massacres de masse, y compris sur des lieux sacrés comme le fameux site de Lalibela, où on a des miliciens, des militaires, qui massacrent systématiquement des populations et il ne voit pas ces informations sortir beaucoup dans les médias éthiopiens et même à l’international."
Qui sont les auteurs de ces massacres ? Pour Thomas Oswald, la situation est complexe. "Il n’y a pas de camp qui a les mains propres dans cette affaire." Le front de libération tigréen a perpétré des massacres contre les populations civiles. "Mais les plus grands massacres de l’autre côté, manifestement, ça vient de l’armée érythréenne, qui a une forte divergence historique avec les tigréens et qui sont lâchés sur le pays avec carte blanche malheureusement." Ce conflit en Éthiopie a fait plusieurs milliers de morts et plus de deux millions de déplacés. Une catastrophe humanitaire est à craindre car la population est aujourd’hui menacée de famine.
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