Du Rwanda à la Côte d’Ivoire, de la Tunisie à la Centrafrique... Quelle justice pour les pays marqués par des crimes de masse? Un colloque s'est tenu sur le sujet le 29 janvier 2016 à la Cour de cassation à Paris, dont les actes viennent d'être publiés sour le titre "Justice transitionnelle, justice alternative" (éd. Franciscaines). Un sujet éminemment complexe mais tout autant fondamental. Il en va de la reconstruction d'un pays, à l'échelle individuelle et collective. On en a peu parlé pendant la campagne présidentielle, déplore le P. Jean-François Petit, mais le sujet nous concerne aussi.
En ce qui concerne l'Afrique, le piège à éviter c'est de généraliser. D'un pays ou d'une région à l'autre l'histoire, la culture et les réalités géopolitiques diffèrent. Certains pays ont connu des événements extrêmement meurtriers, des massacres et des violations des droits humains. Aujourd'hui encore, certains régimes politiques ne sont pas stabilisés et des dictatures subsistent. Certes, il yComment sortir de ces situations où les auteurs sont si nombreux? Où dans la population ont participé de près aux exactions ou tous sont plus ou moins coupable?
L'Afrique ce sont pour beaucoup des sociétés jeunes et dynamiques. Notre "poumon spirituel", d'après Benoît XVI, compte aussi des "sociétés fragiles". Ce que confirme Antoinette Montaigne, ancienne ministre de la Réconciliation en Centrafrique. Avec émotion, elle témoigne de ces années où elle a "lutté tous les jours, travaillant sans compter pour essayer d'apporter l'apaisement, la compréhension". Depuis début mai, son pays connaît une recrudescence des violences. "Quand je vois ça, je me dis: tu as beaucoup donné mais peut-être pas assez."
Face à la nécessité de réparer ces sociétés déchirées, des pays ont tenté d’innover, d’imaginer d’autres formes de justice. On pense bien sur à l’Afrique du Sud, premier pays à avoir mis en place une Commission vérité et réconciliation (CVR), dans le cadre d'une justice transitionnelle. D'autres pays en ont fait l'expérience, comme la Tunisie, le Burundi ou le Pérou.
Reste que "nous avons beaucoup d'efforts à faire pour mettre en place une justice qui corresponde aux attentes des populations", explique le Père Jean-François Petit, qui a co-dirigé la publication des actes du colloque. Par nous, il sous-entend que "ce n'est pas qu'une affaire africaine". Parce que "l'universalité de la justice transcende les frontières", précise Antoinette Montaigne.
"L'Afrique est d'abord une espérance, une force de vie." L'ancien président du CCFD-Terre solidaire, Guy Aurenche, est profondément attaché au continent africain. Avec un collectif d'auteurs, il signe "Pour le bien commun" (éd. Salvator), un plaidoyer pour l'espérance en politique. "Il faut qu'on arrête de voir l'Afrique uniquement comme un problème." Et si la reconstruction passait aussi par un changement de regard?
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