Neuf mois après une large mobilisation en France et en Europe, le monde paysan s’alarme de la signature possible du traité de libre-échange entre l'Europe et les pays d’Amérique du Sud réunis au sein du Mercosur. Les syndicats agricoles redoutent un impact en particulier sur les éleveurs bovins et de volailles.
A nouveau, la colère gronde chez les agriculteurs. Neuf mois après une large mobilisation en France et en Europe, le monde paysan s’alarme de la signature possible du traité de libre-échange entre l'Europe et le Mercosur (Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie). La Confédération Paysanne a lancé sa mobilisation ce mercredi, la FNSEA de son côté appelle à manifester à partir du 18 novembre partout en France.
Cet accord est en discussion depuis la fin des années 90. "Il s’agit d’un accord commercial, mais aussi politique et de coopération, puisqu'il y a plusieurs volets. Il couvre tous les domaines de l'économie, pas seulement l'agriculture, mais aussi l'industrie, les services ou encore les marchés publics" explique Mathilde Dupré, codirectrice de l’institut Véblen, spécialiste des négociations européennes.
Selon les syndicats agricoles, ce traité fait peser une lourde menace sur les productions françaises. "En particulier la volaille, le bœuf, le soja, le sucre et l'éthanol. Ce sont des très grands pays, qui ont des conditions de production qui n'ont rien à voir avec les nôtres" souligne Laurence Marandola porte-parole de la Confédération Paysanne.
Les règles pour les productions agricoles ne sont pas les mêmes dans les pays du Mercosur.
"Il est possible au Brésil d'utiliser des antibiotiques comme activateur de croissance, ce qui est absolument interdit dans l'Union européenne depuis de nombreuses années. Il y a aussi l'utilisation de pesticides interdits. 30 % des substances actives autorisées au Brésil ne sont plus approuvées dans l'Union européenne. Donc il y a des grosses, grosses divergences avec un potentiel déstabilisateur" indique Mathilde Dupré.
La signature possible de ce traité s’ajoute à une crise agricole, déjà profonde en particulier chez les éleveurs. Les épizooties touchant le bétail se sont multipliées en France lors des derniers mois avec la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique engendrant d’importantes pertes sur le cheptel. "Les aléas sanitaires, les aléas climatiques, le manque de rémunération, et le Mercosur vient s'ajouter. Pour certains effectivement la goutte d'eau de trop, qui va faire disparaître des fermes" ajoute Laurence Marendola.
Ce traité avec le Mercosur est également critiqué pour son impact sur l’environnement, accusé par ses détracteurs de favoriser la déforestation de l'Amazonie. Paradoxe, Bruxelles avait préparé un règlement européen sur la déforestation importée, mais le texte a été décalé d’un an par la Commission européenne en octobre dans la dernière ligne droite des discussions sur le traité. Au niveau mondial, 16 % de la déforestation est provoquée par les importations européennes évalue le WWF.
La Commission européenne se veut rassurante et envisage un "accord politique" fin novembre en marge du G20 au Brésil. Un accord complet interviendrait l’été prochain. La France est contre à ce stade. D’autres pays européens, eux sont pour, en particulier l’Allemagne voyant des opportunités pour l’industrie automobile ou chimique d’autant plus dans une perspective de guerre économique avec les Etats-Unis et la Chine. La confédération paysanne demande donc au gouvernement une prise de position catégorique "contre le texte, d’agir pour une minorité de blocage et de demander le retrait du mandat de négociation de l’UE" précise Laurence Marendola.
Si l’accord était signé avec le Mercosur, en principe, l'intégralité devrait être soumis à la procédure de ratification. C’est-à-dire un vote à l'unanimité des États membres, puis à un vote au Parlement européen et enfin une ratification par l'ensemble des 27. Mais, échaudée par le traité avec le Canada (CETA) la Commission pourrait également choisir de séparer le volet commercial du traité. Les accords commerciaux relevant de sa compétence exclusive. Dans cette hypothèse, il s’agirait d’un vote des Etats membres à la majorité qualifiée et ce serait plus compliqué pour Paris de le bloquer.
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