Comment voter en toute connaissance de cause ? L’histoire d’un parti politique et ses origines font parties intégrantes de son identité. Mais dans quelle mesure, les partis d’aujourd’hui portent-ils les traces de leur passé ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand et Madeleine Vatel.
Le passé d'un parti peut-il être un argument pour défendre ou au contraire dénoncer un parti ? À l'approche des élections, fleurissent ici et là, des explications sur les filiations historiques des partis : des événements, des déclarations font la honte ou la fierté des militants. À l’approche du second et dernier tour des élections législatives ce dimanche 7 juillet , le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national se disputent la majorité relative au Parlement. Mais nombreux sont ceux qui se demandent si ce nouveau Front populaire est différent de celui de 1936, et d’autres cherchent à savoir à quel point le Rassemblement national est l'héritier du Front national. Au cœur de ces interrogations, une question demeure : faut-il s’informer sur l’histoire de ces partis avant d’aller aux urnes ce dimanche ?
L'histoire des partis politiques est faite d'idéologies, d'évolutions et d'influences, dont il est difficile de faire véritablement le tour. Pour Nicolas Sauger, politologue, professeur en sciences politiques à Sciences Po Paris et directeur de l'infrastructure de recherche étoile Progedo, il y a pourtant un véritable intérêt à s'intéresser à cette histoire : “C’est très complexe de faire cela, puisqu'on ne saura jamais réellement tout ce qu’a fait ou dit un parti politique. Mais de façon générale, il faut toujours tirer parti du passé connu de ces partis, notamment pour apprendre comment ils réagissent face à l’imprévu, comme par exemple avec la pandémie de Covid en 2019”. Le politologue souligne qu'il est de toute façon difficile pour les partis de détacher complètement de ce qui a été à l'origine de leur création.
Les partis britanniques sont aussi très proches de l’image de leurs fondateurs
Au Royaume-Uni, où les élections générales ont eu lieu le jeudi 4 juillet 2024, cette vision de l’Histoire semble différente de la France, d’après Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation et de politique britannique à l’Université de Bourgogne, et co-auteure avec Emmanuel Avril des Partis Politiques en Grande-Bretagne (ed. Armand Colin) : “En Grande-Bretagne, on observe que la vie politique est très ancrée dans l’histoire, notamment avec la Seconde Guerre mondiale et son statut de championne de la démocratie. Mais les partis britanniques sont aussi très proches de l’image de leurs fondateurs, comme le parti travailliste mené par Keir Starmer, dont le nom est une référence à celui du fondateur du mouvement Keir Hardie”.
On remarque pourtant une très nette différence d’intérêt pour ces fondateurs entre les électeurs et les élus : “Les électeurs cherchent plus l’immédiateté des prises de décisions et des actions concrètes” souligne Agnès Alexandre-Collier. Un sentiment différent se ressent quant à lui en France, selon Nicolas Sauger : “La distinction entre les électeurs et les partis est ambiguëe sur le territoire français. Pour beaucoup, Charles de Gaulle est le visage de la politique française et de la Ve République, et ses propos sont souvent repris par des partis de chaque côté de la balance politique." Cela ne veut pas pour autant dire qu’on ne peut renier ses origines : "C’est ce qu’à brillamment réussi Marine Le Pen, en renommant son parti en Rassemblement national, elle a conservé son électorat tout en se détachant des divers scandales à propos des origines du Front national et des propos qu’ont tenus certains chefs de file du partis pendant son histoire”, ajoute Nicolas Sauger.
Cette étude est nécessaire pour comprendre comment la politique française a pu évoluer et se diversifier au fil des années : “Pour mieux comprendre un parti, il faut se pencher sur différentes facettes : son histoire notamment, mais aussi sa géographie, c’est-à-dire étudier les actions de députés locaux ou régionaux de ce parti, mais aussi les députés au Parlement et même au niveau européen, en étudiant les partenaires politiques des membres de ce parti afin de mieux comprendre leurs revendications et leurs objectifs” décrit Nicolas Sauger. Une étude complexe, qui ne peut se limiter à un seul parti selon Agnès Alexandre-Collier : “Il n’est pas intéressant de se pencher sur l’histoire d’un seul parti. Ce qui l’est vraiment, c’est d’observer non seulement cette histoire, mais aussi la diversité des acteurs et leurs rapports avec les acteurs des autres partis politiques”.
Il faut développer son esprit critique pour déceler les tentatives de manipulation des opinions
Mais il faut veiller aussi à faire une différence entre la communication des députés des partis et leur vie privée, notamment à cause de l'hyper communication sur les réseaux sociaux, mais aussi les tabloïds britanniques : “Les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place dans la vie politique, en France mais aussi ailleurs. En Angleterre, des éléments de vie privée sur les candidats sont très souvent politisés par les tabloïds et la presse britannique, ce qui complexifie encore la distinction entre communication, vie politique et vie privée de certains candidats aujourd’hui” explique Agnès Alexandre-Collier. Les réseaux sociaux rendent aussi cette tâche moins aisée, à cause également d’un trop-plein d’informations, selon Christian Defebvre, agrégé d’histoire-géographie et docteur en sciences de l’éducation : “Les réseaux sociaux font maintenant partie intégrante de nos vies, il faut donc développer son esprit critique pour déceler les tentatives de manipulation des opinions, mais aussi les fausses rumeurs véhiculées notamment grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle."
On remarque aujourd'hui une forte individualisation dans le vote des Français
Mais avec l’arrivée d’enjeux nouveaux, viennent aussi des besoins nouveaux : “On remarque aujourd’hui une forte individualisation dans le vote des Français, notamment à cause d’enjeux nouveaux. Les enjeux individuels sont plus au centre de leur vote que les enjeux collectifs. Cette évolution dans les votes est une preuve que les partis politiques doivent eux aussi changer, et penser à ces deux enjeux en même temps, et pas seulement l’un des deux, pour attirer le plus d’électeurs possible”, souligne Christian Defebvre.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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