En annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a plongé la France dans un flou parlementaire presque inédit sous la Ve République. Les élections législatives du 30 juin et 7 juillet doivent donner la couleur politique de cette fin de législature à l’Assemblée nationale. Majorité relative, majorité absolue, cohabitation ou pari réussi d’Emmanuel Macron, on vous décrit les différents scénarios possibles au lendemain du 7 juillet.
La dissolution, les deux tours des élections législatives et après quoi ? La nouvelle composition de l'hémicycle sera connue le 7 juillet à 20 heures, mais les différentes enquêtes d'intention de vote indiquent que le Rassemblement national vire en tête, le Nouveau Front populaire arrive deuxième tandis que le camp présidentiel ne pointe qu’à la troisième place. Pour autant, à la veille du premier tour des législatives anticipées et face à l’instabilité politique qui règne en France depuis plusieurs semaines, aucun scénario n’est à exclure.
Hypothèse peut être la moins probable à en croire les différents sondages publiés ces derniers jours : il est 20 heures, dimanche 7 juillet et à la surprise générale, le camp présidentiel arrive en tête. Emmanuel Macron réussit son pari et fait même mieux qu’en 2022 en glanant la majorité absolue.
La crise du régime attendue tourne au vote de confiance envers Emmanuel Macron qui peut terminer son mandat présidentiel dans un fauteuil avec sa propre majorité parlementaire.
Ce premier scénario semble très largement improbable, dans la mesure où toutes les enquêtes d’intention de vote, conjuguées aux résultats des élections européennes début juin, montrent la défiance des Français envers le camp de leur président de la République.
Après 1986, 1993 et 1997, la France entre dans une nouvelle phase de cohabitation. Le Rassemblement National vient de l’emporter dans plus de 289 circonscriptions, obtenant ainsi la majorité absolue. Emmanuel Macron se résigne et nomme Jordan Bardella à Matignon pour au moins un an.
Pour autant, constitutionnellement, il est encore libre de son choix. “La Constitution n’impose rien au président de la République en matière de nomination du Premier ministre. Cependant, la logique de notre Constitution pose, à l'article 20 et à l’article 49, le principe de responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement”, explique le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. “Il impose au Président de tenir compte du résultat des élections législatives pour composer le gouvernement et nommer un Premier ministre”, poursuit le spécialiste.
Si le chef de l’Etat veut une nouvelle fois dissoudre l’Assemblée nationale, il faudra qu’il attende un an, conformément à la Constitution. Le nouveau Premier ministre d’extrême droite commence ainsi une législature où il fera face à des dépôts de motions de censure, sans en être inquiété, lui qui jouit de la majorité absolue.
C’est le scénario le plus probable : le Rassemblement national s’impose avec une simple majorité relative. Les sondages avaient vu juste : le parti d’extrême droite obtient 265 sièges à l’Assemblée nationale, bien au-delà des 80 députés obtenus lors du scrutin de 2020, mais rate le coche de la majorité absolue.
[Avec une majorité relative] c'est tout à fait possible de gouverner. C'est ce que fait le gouvernement actuel et ce que faisait le gouvernement Borne avant lui
Jordan Bardella a déjà prévenu : il refusera Matignon en cas de victoire du RN avec une majorité relative. “Pour gouverner, j’ai besoin d’une majorité absolue”, avait-il déjà annoncé mi-juin. “Un choix présomptueux”, estime Jean-Philippe Derosier. “C’est tout à fait possible de gouverner. C’est ce que fait le gouvernement actuel, et ce que faisait le gouvernement Borne avant lui”.
Pourquoi Jordan Bardella refuserait-il alors Matignon ? Car il sait qu’il s’expose à des dépôts de motions de censure. “S’il n’a pas une majorité absolue pour lui, il aura une majorité absolue contre lui. Ce n’est pas forcément le cas de la majorité présidentielle actuelle”, qui bénéficie des abstentions LR au moment des motions de censure permettant au locataire de Matignon de rester en place. “Le parti dont émane Jordan Bardella, l’extrême droite, suscite à ce point le clivage qu’il va susciter un rejet de la part de tous les autres partis politiques”, analyse Jean-Philippe Derosier.
Enfin, quatrième et dernier scénario, largement probable également : la création d’un gouvernement technique. L’Assemblée nationale ne trouve pas de majorité absolue. La majorité relative, qu’elle soit RN, Nouveau Front populaire, ou camp présidentiel, expose, pour chaque cas, le ministre propulsé à Matignon à un vote d’une motion de censure. Que ce soit Bardella, Attal, ou le chef de file de la gauche unie, tous risquent de se voir renversés par le vote d’une motion de censure.
Face à cette situation de “blocage” décrite par le constitutionnaliste et politologue Benjamin Morel, la France fait appel pour la première fois à “un gouvernement technique et technocrate, présent pour gérer les affaires courantes”. “C’est un gouvernement avec un Premier ministre et des ministres qui ne sont pas politiques. Ils seraient issus de l’administration, de la technocratie. Ils ne font pas de grandes réformes, mais ne font que les affaires techniques de l’Etat, comme faire adopter le budget”, abonde également Jean-Philippe Derosier. En 2021, face à l’impasse politique dans laquelle était plongé le pays, l’Italie avait fait appel à ce gouvernement technique, en nommant le très technocrate Mario Draghi en tant que Premier ministre.
Qui serait alors le Mario Draghi français ? “À la différence de la course au Premier ministre auquel on assiste actuellement dans les différents camps politiques, il ne faut pas chercher un profil qui soit un profil médiatique visible. Le principe d’un gouvernement technique est qu’il est composé de gens qui n’ont pas d’ambition politique”, raconte Benjamin Morel. “Le Mario Draghi à la Française n’est pas sur la place publique actuellement et c’est toute sa force. Il faut un nobody”, conclut le politologue, constitutionnaliste.
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