Le torchon brûle entre Paris et Alger. Depuis début janvier, six personnes sont visées par des procédures judiciaires en France pour des vidéos et des propos haineux, visant des opposants au gouvernement algérien sur les réseaux sociaux. Après l’arrestation de Boualem Sansal, cette nouvelle séquence illustre un peu plus la dégradation des relations diplomatiques entre les deux pays.
Les tensions sont encore monté d'un cran entre la France et l'Algérie. Depuis début janvier, cinq "influenceurs" algériens et une Franco-Algérienne sont poursuivis par la justice en France pour des propos haineux, visant le plus souvent des opposants au gouvernement algérien avec des appels aux meurtres, à la torture ou à perpétrer des attentats.
L’un d’entre eux "Doualem" a été expulsé le 9 janvier, mais immédiatement renvoyé par les autorités algériennes. Cette séquence qualifiée "d’humiliation" par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau constitue un pic dans une crise diplomatique, déjà longue entre Paris et Alger. Pour de nombreux opposants algériens en France, ces messages et vidéos sur les réseaux sociaux se sont intensifiés après le changement de position de la France sur le Sahara occidental.
Ce territoire, au statut indéfini fait l’objet d’un conflit larvé depuis 50 ans entre le Maroc qui le considère comme partie prenante du pays et l’Algérie qui soutient les indépendantistes du Front Polisario. Emmanuel Macron a déclaré fin juillet que l'avenir de ce territoire s'inscrit "dans le cadre de la souveraineté marocaine". Ces propos ont entraîné un rapprochement avec le roi du Maroc, Mohammed VI, mais ont déclenché la colère de l’Algérie. Or, en 2022, Emmanuel Macron avait tenté en 2022 un rapprochement sur les questions mémorielles de la guerre d’Algérie.
L’affaire des "influenceurs" arrive après l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré depuis mi-novembre en Algérie pour atteinte à la sûreté de l'Etat. Il se trouve dans une unité de soins depuis mi-décembre. Le président de la République avait fermement exigé sa libération irritant les autorités algériennes.
Les relations entre la France et l’Algérie n’ont jamais été simples depuis l’indépendance, mais ces dernières années, elles ont eu tendance à se dégrader. "Les tensions, étaient déjà très vives au moment du Hirak. Le mouvement démocratique qu’a connu l'Algérie en 2019. La France a été ni plus ni moins accusée d'avoir fomenté cette insurrection civile et populaire, ce qui bien sûr est une vue de l'esprit, vu qu'elle a concerné des millions d'Algériens" rappelle Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Magreb à l’université Paris 1 et auteur "d’Histoire de l’Algérie contemporaine" aux éditions Nouveau monde.
Après la pandémie de Covid, on a assisté en Algérie à une reprise en main, des réseaux sociaux, des médias du milieu associatif ou du milieu politique. Cela s'est traduit notamment par de nombreux emprisonnements.
"Donc il y a un contexte strictement algérien, et puis il y a un contexte franco-algérien qui, depuis cet été, monte crescendo, avec tout un tas de mesures de rétorsion prises par les autorités algériennes à l'encontre du président français" analyse Pierre Vermeren, "et dans les milieux ultra-nationalistes algériens, on observe un bouillonnement".
La question est difficile à trancher, il faudra attendre les résultats de toutes les enquêtes pour avoir des débuts de réponses. Pierre Vermeren se montre très prudent, mais relève certains éléments troublants : "la première, c'est la masse. C'est-à-dire que ce sont des gens qui travaillent dans une même direction. Deuxièmement, ce sont des gens qui, quand on regarde dans le détail, sont encore une fois des ultra-nationalistes Algériens. L’un d’entre eux a été sergent dans l'armée algérienne pendant six ans avant de venir en France". Par ailleurs, ce type de méthode a déjà été utilisé par d’autres pays comme la Russie ou l’Iran. "Je ne pense pas qu'ils soient pilotés par le pouvoir algérien. On sait qu'Internet, aujourd'hui, est un espace dans lequel toutes les formes de haine, d'hostilité, de discours raciste, antisémite et autres pullulent" estime de son côté Elyamine Settoul, directeur du domaine défense et société à l'Institut de recherche stratégie de l'Ecole Militaire, pour qui "on donne , une importance un petit peu exagérée" à cet épisode.
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