
Le rapport sur l'aide sociale à l'enfance est alarmant. Lancée au printemps 2024, la commission parlementaire sur ses failles publie aujourd'hui ses conclusions. "Hier à bout de souffle, la protection de l'enfance est aujourd'hui dans le gouffre". En France, près de 380 000 jeunes de moins de 21 ans bénéficient de l'aide sociale à l'enfance. Pour en parler, Claude Ardid, journaliste et enquêteur sur ces questions, qui publie La fabrique du malheur.
"Ce n'était pas un système qui s'effritait, c'était un système qui était littéralement en train de s'effondrer ", lance Claude Ardid, auteur de La fabrique du malheur. Triste constat confirmé ce mardi 8 avril par l'Assemblée nationale, qui publiait les conclusions du rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance.
"Hier à bout de souffle, la protection de l'enfance est aujourd'hui dans le gouffre", selon le journaliste et auteur. Créée en 1956, l'aide sociale à l'enfance (ou ASE) est dans une situation dramatique. Elle manque cruellement de personnel, de puéricultrices, éducateurs, familles d'accueil, rendant donc de plus en plus difficile l'accueil d'enfants dans le besoin. Face à ces difficultés, Claude Ardid s'est rendu sur le terrain, à travers toute la France, pour constater l'ampleur de cet effondrement.
"Plus j'avançais dans ce voyage, plus je rencontrais d'enfants, d'adolescents, et plus je me rendais compte qu'on allait bientôt vivre sur un champ de ruines", raconte-t-il. Pourtant, près de 400 000 enfants sont suivis par la protection de l'enfance.
Certains, sont placés en foyer, d'autres en familles d'accueil. Ils viennent de familles souvent précaires ou dans lesquelles ils étaient maltraités. Parmi eux, un quart sont des enfants handicapés. "Ces enfants-là sont dans des familles avec des parents qui eux-mêmes ont déjà souffert dans leur propre enfance ou dans leur propre adolescence", déplore Claude Ardid, qui constate alors une forme de transmission de la violence.
Le système est en train de se casser la gueule
Au cours de son voyage à travers la France, le journaliste a pu assister à différentes audiences avant le placement (ou non) d'un enfant auprès de l'aide sociale à l'enfance. Il se souvient d'une audience en particulier, au tribunal de Marseille. Une famille de cinq enfants, un père en invalidité et une mère omnipotente, 15 animaux de compagnie qui vivent dans des meilleures conditions que leurs propres enfants. "Madame, que vous nourrissiez les animaux, c'est très bien, mais ce sont vos enfants qu'il faut nourrir", avait alors lancé la juge.
"Il nous manque 70 000 éducateurs. Il manque environ 20 000 puéricultrices ou auxiliaires de puériculture. Le système est en train de se casser la gueule", estime Claude Ardid. Pourtant, malgré la défaillance, de plus en plus d'enfants sont placés. Ce phénomène s'explique notamment par la rapidité des audiences, le manque de temps pour traiter les affaires.
Ainsi, les juges de l'enfance prennent la décision de placer des enfants dans des foyers ou des maisons d'accueil. "Alors que dans certains cas, ils devraient faire en sorte que des éducateurs travaillent au sein des familles pour vraiment comprendre la situation. Mais non, on prend la décision immédiatement", relate le journaliste. Dans certains cas, l'aide sociale à l'enfance suit une décision de justice qui parfois semble irrationnelle. Il arrive également que l'ASE aille contre une décision de justice.
Au sein de l'aide sociale à l'enfance règne l'omerta, la loi du silence. Tous comme les établissements scolaires, l'ASE reçoit de plus en plus de signalements concernant des violences sexuelles. "Une étude publiée la semaine dernière montre que près d'un enfant sur deux placé à l'aide sociale à l'enfance aurait été victime de violences sexuelles avant ou pendant son placement."
Avec le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance, l'Assemblée nationale et plus largement l'État prennent des mesures pour améliorer les conditions de vie des enfants placés à la protection de l'enfance et celle de toutes les personnes qui agissent pour elle.
Cependant, pour Claude Ardid, ces mesures ne sont pas suffisantes et il faudrait faire une révolutionner complètement l'aide sociale à l'enfance. "Il faudrait que les conseils départementaux jouent leur rôle pour ne pas reproduire le drame de Châteauroux qui est la pierre angulaire de cette défaillance, explique le journaliste. Je crains que ce rapport soit comme les autres. Il y a des bonnes intentions, mais par rapport à l'ampleur du phénomène, j'ai l'impression que ça ne servira pas à grand-chose."
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