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"Il faut un budget pour la France, et le plus vite possible", affirme le sénateur socialiste Patrick Kanner

Un article rédigé par AdN - RCF, le 31 janvier 2025 - Modifié le 31 janvier 2025

Quelle fumée blanche à l'issue de la commission mixte paritaire ? De nouvelles négociations budgétaires ont lieu jeudi 30 et vendredi 31 janvier. Sept députés et sept sénateurs se retrouvent en conclave pour tenter de se mettre d'accord. Les divergences sont nombreuses : éducation Nationale, valorisation du travail par les salaires, immigration, sécurité sociale, aide Médicale d’Etat... Sans compter les propos polémiques du Premier Ministre sur la « submersion migratoire ». Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat et membre suppléant de la CMP, réagit sur RCF et Radio Notre-Dame.
 

Patrick Kanner est présent comme membre suppléant au sein de la Commission Mixte Paritaire. Crédits : Pierre-Hugues Dubois / RCFPatrick Kanner est présent comme membre suppléant au sein de la Commission Mixte Paritaire. Crédits : Pierre-Hugues Dubois / RCF

Le sénateur, qui n’aura pas le droit de s’exprimer mais pourra assister à la Commission mixte paritaire, a rappelé les incertitudes qu’elle va devoir trancher pour parvenir à une nouvelle mouture de la loi de finances pour l’année 2025.

Le pouvoir d'achat au cœur des négociations

« Les Français ne peuvent pas être des otages » déclare le sénateur reprenant les termes de Sophie Primas, porte parole-parole du gouvernement.  Au premier chef des demandes portées par le président du groupe socialiste au Sénat (groupe SER), une ligne rouge très précise : le pouvoir d’achat des Français. Il entend porter que « nous ne devons pas valoriser que le fruit de la rente ». 

Réagissant aux déclarations de Bernard Arnault, comme d’autres grands patrons, qui dépeignait les normes et climat des affaires américaines comme “un vent d’optimisme propice à l’innovation et aux affaires, rendant la comparaison avec la France bien cruelle”, le sénateur a invité à saisir l’importance du message budgétaire qui sera envoyé, et dépend aussi de l’état du régime actuel.

Pour le sénateur des Hauts-de-France, ces menaces agités pour peser sur l’élaboration de ce budget sont "indécentes", dans un contexte où 100 milliards de dividendes ont été distribués par le CAC40 en 2024 (record historique) et que les 500 familles qui disposent le plus de capital en France l’ont vu doubler, voire tripler en 7 ans, résultat selon lui de ce qui est déjà un « hyper bouclier fiscal ». Le tout, à l’heure où 10 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, et le budget peut être une opportunité de réformer un système parfois perçu comme non viable, puisque selon Patrick Kanner, « seul l’impôt permet de répartir justement les richesses » transformant ce budget en signal fort. À titre d’exemple, emblèmes de sa région, Décathlon a choisi de verser 1 milliard d‘euros de dividendes en 2024 lorsqu’Auchan, enseigne détenue à 100% par le même groupe, opérait 2400 licenciements.

D’autre part, la question de l’efficacité du service public que le budget entend financer, y compris via la participation du secteur privé, se pose. De même que l’impact de la stabilité de son financement sur cette dernière, lorsque l’absence de loi de finances s’ajoute à “l’incurie de l’Etat au niveau central “à l’image de l’Education Nationale et ses 5 ministres en 1 an””. Dans cette logique de défense des valeurs qu’un service public peut incarner, le sénateur rappelle que lors de la CMP son groupe s’attachera à certaines dispositions, notamment l’amendement du nouveau gouvernement, repris dans la mouture du Sénat il y a quelques jours, revenant sur la suppression de 4000 postes de l’Education Nationale proposé par le gouvernement Barnier. Dans cette même optique, le sénateur cible la santé avec davantage de moyens pour l’hôpital public et des EHPAD mieux financés pour accueillir les personnes en situation de dépendance. Par dessus tout, le sénateur des Hauts de France alarme sur la nécessité d’un financement correct pour la “bifurcation écologique” : « si le budget en reste là, on sort de fait de l’accord de Paris ».

si le budget en reste là, on sort de fait de l’accord de Paris

Un budget dans un contexte de débat tendu sur les priorités politiques

Par delà ces lignes, à l’utilisation des termes de “submersion migratoire”, historiquement attribués à l’extrême droite, par le Premier Ministre François Bayrou, le président du groupe socialiste au Sénat répond que cela représente “un chiffon rouge”. La loi de finances cristallise les passions : le Premier Ministre a justifié vouloir exprimer ce qui est pour lui un “sentiment”, que le budget tentera de rationaliser… Si le budget finance un système porteur de valeurs, “il faut un budget pour la France, et le plus vite possible” dans cette incertitude pour le sénateur assistant à la CMP.

En vue de la construction budgétaire, le sénateur avance : “cela n’est pas vrai : 7 millions de personnes qui sont étrangères dans notre pays, dont 90% qui sont largement en situation régulière”. Si en 1975 les personnes étrangères représentaient 7,4% de la population, elles représentent 10% aujourd’hui, ne constituant "pas une submersion".

Cependant, certaines villes comme Le Mans, Brest ont vu le nombre de personnes étrangères a doublé en quelques années, mettant en exergue des phénomènes de concentration, de ghettoïsation, résultat de « politiques de peuplement sur des bases ethniques qui sont totalement insupportables dans  notre pays » pour cet ancien Ministre de la Ville. Il a rappelé que la stigmatisation en quartiers politique de la ville suite au constat de ces phénomènes locaux, combinée avec les pratiques de bailleurs sociaux et la volonté des « populations dites blanches, françaises » de ne pas aller dans ces logements, aggravent ces dynamiques.

Et partant le sentiment s’exacerbe pour devenir ressentiment : à politique structurelle déficiente, redéfinition des objectifs politiques, en l'occurrence vers une « politique d’intégration réussie » pour le sénateur. Il s’agit d’un sentiment, toujours pas d’une réalité globale nécessitant une construction budgétaire propre, du moins à l’échelle de notre pays aux yeux de Patrick Kanner.

Un sentiment de « submersion »

Ce sera un budget de compromis pour le président du groupe socialiste dans un Sénat à majorité de droite. Justifier la viabilité et la valeur financière de son système politique : voici une partie de la logique à investir à l’approche de la CMP, qui plus est pour tenir la trajectoire de réduction du déficit public à 5,4% en 2025 (6,1% fin 2024).

Patrick Kanner propose des réformes structurelles dans ce contexte budgétaire : une meilleure association des maires aux décisions d’attribution des logements, à investir et mettre en place davantage de moyens budgétaires sur l’école. En effet, investir sur l’apprentissage de la langue française en tentant de cibler les populations allophones sera la solution avancée puisque l’enjeu pour le sénateur est "d’apprendre vite pour s’intégrer complètement” pour l’immigration ne soit pas perçue comme « systématiquement mauvaise », entre autres en accélérant la réussite d’une immigration de travail qu’il envisage avant la tenue de la CMP comme “assumée mais économiquement viable”. Et pouvant aider à contribuer au fonctionnement, l’efficacité de nos services publics.

Si, à l’aune du climat budgétaire qui est à la querelle systémique, Patrick Kanner rappelait que “25% des concitoyens français possèdent des origines étrangères”, rechercher l’efficacité invite à la garantie par l’Etat dans son texte budgétaire de certaines valeurs immuables pour ce fils de Polonais né en Allemagne et ayant fui le nazisme.

Certaines mesures budgétaires ciblées se sont muées en symbole. En premier lieu desquelles on retrouve l’aide médicale d’Etat (AME). L’AME ne représente que 1,2 Md€ de dépenses effectives (2023) face aux 662 Mds€ totaux de la Sécurité Sociale : “plutôt là, le trait de plume sur le plan budgétaire mais on veut toucher à un symbole”. Si il a admis de possibles excès, “se soigner, n’est pas la cause de milliers de kilomètres de migration” pour le sénateur socialiste qui perçoit l’AME davantage comme la conclusion d’une démarche, “qui peut néanmoins être celle d’arriver illégalement en France” et qu’il “regrette profondément”. Pour le sénateur des Hauts de France, au delà du débat sur les principes économiques des piliers de politiques structurelles, certaines mesures budgétaires symboliques appelleront à soutenir la garantie des valeurs davantage qu’à un opportunisme budgétaire alliant stratégies partisanes et recherches d’économies : “en en appelant à un certain humanisme, l’AME c’est donc aussi le droit d’être soigné. À un moment donné, quand on est la 6e ou la 7e puissance économique du monde, on peut consacrer 1 milliard d’euros à sauver peut-être des êtres humains qui sont venus sur notre territoire. »

Si le vote du budget en soi reste lui-même un symbole, il a un coût dans un tel contexte et climat : celui du compromis. "Imaginé par Attal, élaboré de fait par Barnier, modifié par Bayrou : ça ne peut pas être un bon budget après tant d'équipes gouvernementales et cabinets ministériels différents”. Dès lors, pour conserver nos valeurs, il faut un budget et vite … Certains diront le meilleur, moi je dis le moins mauvais” déclare Patrick Kanner juste avant la CMP.

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