LE POINT DE VUE D'ANTOINE-MARIE IZOARD - Tout ça pour ça ! Il aura fallu un mois à Gabriel Attal pour composer un gouvernement qui pourrait éclater dès le lendemain des élections européennes de juin. Le jeune Premier ministre a été retardé par les tracteurs « montés » jusqu’à Paris et l’urgence de répondre à la colère du monde agricole.
Il s’est agi surtout de manier comme de la nitroglycérine le petit monde politique parisien – trop parisien ? – afin de ménager les susceptibilités d’une majorité plurielle – trop plurielle ? – de plus en plus difficile à orchestrer, à mesure que la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron approche.
Depuis l’éviction de Pap Ndiaye il y a sept mois, le ministère de la rue de Grenelle est passé de mains en mains, avec des coups de gouvernail contraires et un goût de gâchis. Il y eut d’abord la nomination de Gabriel Attal. Après son premier coup de théâtre politique, l’interdiction du port de l’abaya à l’école, il s’est attaqué au niveau global des élèves au collège, ainsi qu’au tabou du redoublement. Mais, moins de six mois après son arrivée à l’Éducation nationale, un remaniement le propulsait à la tête du gouvernement. Les syndicats ont râlé face au manque de considération pour ce poste ministériel. Gabriel Attal a assuré alors qu’il aurait un œil, depuis Matignon, sur la rue de Grenelle...
Le passage éphémère d’Amélie Oudéa-Castéra a rajouté à la cacophonie. Sommée par le petit monde politico-médiatique de justifier la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé catholique de renom, elle s’est savonné la planche en pointant d’entrée de jeu les insuffisances de l’école publique. L’ancienne joueuse de tennis de haut niveau a découvert à ses dépens que la politique est un sport de combat, sans règles, plus proche de la téléréalité que de la realpolitik. François Bayrou, pressenti pour le poste, n’a pas accepté la feuille de route du Premier ministre, qui entend enclencher le « réarmement civique » de l’école, selon l’expression du Président... Le centriste n’était pas prêt à prendre ce virage conservateur sous l’autorité d’un jeunot, et le voilà en embuscade pour l’avenir.
Gabriel Attal a finalement remis les clefs du ministère à l’ancienne garde des Sceaux. Après une femme de droite, voilà une ex-socialiste. Si sa nomination calme une partie des syndicats enseignants, ce nouveau changement de cap interroge. Comment celle qui, en 2016, qualifiait « la restauration de l’autorité ou le port de la blouse » de « fariboles », va-t-elle appliquer la politique voulue et regardée de près au sommet de l’État : retour aux fondamentaux, réhabilitation du redoublement et uniforme à l’école ? Le sort de nos enfants vaut mieux que ces petits arrangements politiques qui donnent l’impression que le ministère de l’Éducation nationale est un bateau ivre.
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