Angers
A 100 jours de JO de Paris, dans les transports, les gares, les stades ou sur la voie publique, la vidéo surveillance algorithmique va s'offrir des débuts grandeur nature, sous l’œil inquiet de ses détracteurs. Ils redoutent une pérennisation et un élargissement à la reconnaissance faciale de ces nouveaux dispositifs de surveillance.
La loi "Jeux olympique et paralympique" a été adoptée par le Parlement il y a un an. Elle permet l'expérimentation de la vidéo surveillance algorithmique (VSA). Ce sont des caméras "augmentées" équipées de logiciels d'analyse d'images. Ils ont pour finalité de détecter en temps réel des événements prédéterminés.
"L’idée, c’est de rendre intelligent des réseaux de vidéo protection existants en rajoutant une brique algorithmique. On parle d’intelligence artificielle, ce sont des réseaux de neurones qui ont été entraînés à des situations prédéfinies L’idée. Cela permet à n’importe quelle caméra de détecter des événements pour alerter un opérateur pour qu’il puisse ensuite prendre une décision" explique Matthias Houllier, cofondateur de Wintics l'une des quatre entreprises à du marché public de la VSA.
La loi JO définie le cadre d’utilisation de cette technique dans huit cas possibles, par exemple pour repérer des départs de feu, des mouvements de foule, des objets abandonnés, la présence d'un véhicule ou d'une personne dans une zone interdite en vue d'alerter les secours. Elle précise que la vidéosurveillance augmentée pourra être expérimentée pour les "manifestations sportives, récréatives ou culturelles particulièrement exposées à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes."
Mais le déploiement de cet outil est vivement critiqué par des associations de défense des libertés individuelles. Leur crainte, c’est de voir la vidéo-surveillance algorithmique laissée en héritage des Jeux avec une généralisation, même si la loi ne prévoit l’expérimentation que jusqu’en 2025. "Cela comporte des risques pour nos droits, sur la vie privée, les libertés individuelles et on craint que cela n’ouvre la porte à des technologies toujours plus intrusives et demain aux déploiements d’une surveillance de masse" estime Katia Roux, chargée de plaidoyer chez Amnesty International France sur les questions de technologie et de droits humains.
Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône pointe les risques de discrimination, si cette technologie devait être élargie. "Il peut sembler utile de pouvoir identifier plus rapidement un bagage abandonné, mais derrière, il y a d’autres comportements qui pourraient être ajoutés. La mendicité par exemple pourrait être considérée comme anormale. Il sera possible cibler des mendiants par exemple et leur envoyer des agents dès qu’une caméra les détectera" souligne le parlementaire. Selon lui, la VSA fait courir le risque d’une "codification des comportements dans l’espace public, de plus en plus, par les entreprises de sécurité sans contrôle démocratique".
La grosse inquiétude porte sur la reconnaissance faciale. C’est-à-dire l’identification d’une personne directement par l’image. Comme cela existe en Chine. Elle a été écartée de la loi JO et aucune des solutions proposées par les quatre sociétés retenues par l'Etat pour la VSA ne permet la reconnaissance faciale. "Nous identifions des situations pas des personnes, c’est absolument anonyme" assure Thomas Houillier, qui précise que son entreprise refuse le développement de technologies liées à la reconnaissance faciale.
Pour autant certains politiques poussent à son utilisation. En juin dernier, le Sénat avait adopté une proposition de loi ouvrant la perspective de l’utilisation. "Le texte visait à interdire l’usage de la reconnaissance faciale tout en l’autorisant pour exception en lien avec la sécurité. Alors que c’est dans ce domaine qu’il y a le plus de risque pour les droits fondamentaux" rappelle Katia Roux.
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