Entre les 150 ans de sa naissance et les 100 ans de sa béatification, 2023 est l'année jubilaire de Thérèse de Lisieux. Ou plutôt d'Alençon : c'est dans cette paisible ville de l'Orne que tout a commencé pour celle qui deviendrait l'une des saintes les plus vénérées dans le monde.
Impossible, lorsqu'on évoque Thérèse de Lisieux, d'oublier Alençon. C'est cette paisible ville normande qui l'a vue naître en 1873, puis grandir. Pour un temps, certes, mais un temps capital. "Elle n'a passé que quatre ans et demi dans cette ville, quatre ans et demi qu'elle avait appréciés", glisse le père Thierry Hénault-Morel, recteur du sanctuaire de la famille Martin à Alençon. C'est là que se sont rencontrés et installés ses parents Louis et Zélie. "C'est une période d'autant plus importante que la famille est au complet, Madame Martin est vivante, explique-t-il. Thérèse dit avoir assez de mémoire de sa première enfance pour en garder des souvenirs".
A la mort de Zélie en 1877, la famille déménage à Lisieux, bourgade du Calvados située une petite centaine de kilomètres au nord d'Alençon. Thérèse est encore en bas âge. "Sur le moment, elle vit ça comme quelquefois les enfants le vivent, avec une relative sérénité, ne mesurant pas la profondeur de la blessure qui s'est opérée". Un événement la rouvre quelques années plus tard : fin 1882, Thérèse va sur ses dix ans. Apprenant que Pauline, la sœur aînée, va entrer au carmel, il lui semble qu'elle perd sa deuxième maman. La voilà plongée dans une affliction qui l'accablera, jusqu'au mois de mai suivant, de maux de têtes et de délires. La vue d'une statue de la Vierge au sourire posée dans sa chambre vient subitement à bout de ces affres. Trois ans plus tard, Noël 1886 est un second moment fondateur. Surprenant des paroles de son père, Thérèse comprend que la tradition consistant à déposer ses souliers dans la cheminée n'est qu'un décorum puéril. Au lieu de s'effondrer en sanglots, elle reçoit une grâce qui la tire de l'enfance. Après la mort de cette mère chérie, donc, le père Thierry Hénault-Morel parle d'une "guérison qui se produira à dix ans puis à treize ans pour, dit-elle, retrouver la force d'âme que cet événement avait commencé à ébranler".
Sur le moment, elle vit ça comme quelquefois les enfants le vivent, avec une relative sérénité, ne mesurant pas la profondeur de la blessure qui s'est opérée
Si Lisieux est un haut lieu de dévotion pour les années que la sainte passa au carmel, Alençon n'en représente pas moins, selon le recteur du sanctuaire, "l'enracinement familial dans une cité où cette famille occupe une place sociale très importante que l'on découvre de plus en plus". La ville a deux emblèmes, "deux réalités importantes au plan mondial : d'une part la dentelle, le point d'Alençon, d'autre part Thérèse ainsi que sa famille. Ces deux réalités sont connues mondialement, et ont une convergence étonnante", souligne le prêtre, qui tient à mentionner "l'investissement de la famille Martin dans la dentelle".
Au-delà de Thérèse de l'Enfant-Jésus (son nom en religion), Alençon est aimée des fidèles pour avoir hébergé sa famille tout entière. "Dans un premier temps, Alençon fut la ville natale de Thérèse. Aujourd'hui, elle est vraiment considérée comme la ville de la famille Martin au complet", soutient le père Hénault-Morel. C'est d'ailleurs par les manuscrits de Thérèse, connus sous le nom d'Histoire d'une âme et publiés après sa mort, que ses parents ont été mis au jour. "En lisant les manuscrits de Thérèse, on s'est dit, mais il y a aussi Louis Martin, il y a aussi Zélie, les parents, ils nous intéressent ! C'est là que démarre une recherche vers la béatification et la canonisation des parents". Béatifiés en 2008, puis canonisés par François en 2015, Louis et Zélie Martin sont le premier et unique couple - à ce jour - dont la sainteté conjointe est reconnue par l'Eglise.
Dans un premier temps, Alençon fut la ville natale de Thérèse. Aujourd'hui, elle est vraiment considérée comme la ville de la famille Martin au complet
La rencontre entre cet horloger et cette dentellière s'est produite à Alençon, sur le pont de Sarthe. Le début d'un amour ancré dans la réalité du monde qui l'entoure. "Plus on cherche dans les archives, plus on les sent reliés à d'autres. On les avait un peu trop présentés comme déconnectés des affaires du siècle, or non. Pas du tout", défend le recteur. Entre autres engagements, Louis Martin retrouve chaque semaine sa douzaine d'amis du cercle Vital Romet, "son enracinement d'amitié spirituelle et d'engagements divers, expose le père Hénault-Morel, qui descend directement de Louis. Les uns sont des républicains, les autres monarchistes, mais tous sont animés par la même foi chrétienne et essaient d'apporter des réponses aux questions de leur temps".
Mercredi 7 juin, une délégation normande a rencontré le pape François à l'occasion d'une audience dédiée à Thérèse et ses parents. Les reliques de la sainte ont été présentées au Saint-Père avant de voyager à travers l'Italie. Malade ce jour-là, le père Thierry Hénault-Morel n'a pas fait le déplacement, mais se réjouit que les délégations de Lisieux et d'Alençon se soient unies autour de l'événement. "Alençon complète Lisieux, et Lisieux complète Alençon", résume-t-il.
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