Parmi ses premières décisions fracassantes, Donald Trump a choisi de retirer les Etats-Unis de l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce départ annoncé suscite de vives inquiétudes dans les milieux scientifiques et médicaux.
"L’OMS nous a escroqués", a accusé lundi le président Trump. Il a justifié ce retrait par l’écart des contributions financières américaine et chinoise. Au cours de son premier mandat, Donald Trump avait déjà essayé de sortir son pays de cette instance onusienne basée à Genève. Il l’accusait alors d'être "contrôlée par la Chine".
"L’organisation mondiale de la santé est une structure de l’ONU que Donald Trump avait par le passé déjà vivement critiqué pour sa gestion de la pandémie de Covid19. Mais aux États-Unis, il y a eu une énorme politisation sur ce sujet et le clan Trump était très peu enclin à suivre les recommandations de l'OMS. C'est une façon de se dédouaner", rappelle le Dr Anne Sénéquier, chercheuse à l’IRIS auteure de "Géopolitique de la santé" aux éditions Eyroles. Paradoxe, Donald Trump en se retirant, risque de laisser plus de place à la Chine. Pékin a annoncé mardi que son soutien à l'OMS ne faiblirait pas.
Les États-Unis sont le principal donateur de l’OMS. La cotisation des états membres est indexée sur leur PIB. Les Etats-Unis ayant le plus important, ils payent le plus. Sur la dernière décennie, ils ont versé jusqu’à 815 millions de dollars par an à l’organisation car y a aussi des contributions volontaires. Pour 2024-2025 le budget de l’OMS est d’environ 6,8 milliards de dollars. Ce départ va donc laisser un trou et devrait déclencher une restructuration importante de l’institution. Mais pourrait aussi nuire aux efforts mondiaux en matière de santé publique. "Il y a des centres d'expertise qui travaillent avec l'OMS sur des sujets aussi divers que les conseils techniques, les réponses aux épidémies, dans l'identification rapide des agents pathogènes etc... Or 68 centres sont aux Etats-Unis. Donc il y a aussi un risque de pertes d'expertise" explique le Dr Anne Sénéquier.
En se retirant de l'organisation, les Etats-Unis vont perdre un accès privilégié à des données de surveillance épidémique importantes. Inversement le reste du monde n’aura plus forcément de données fiables en provenance d’Outre Atlantique. Comme pour la surveillance et la lutte contre les épidémies où : "l’OMS joue un rôle central de coordination" souligne le Dr Etienne Decroly, épidémiologiste et chercheur au CNRS. "Les États-Unis quittent cette organisation et limitent ainsi sa capacité de pouvoir gérer les épidémies dans environnement mondial qui est en train de devenir particulièrement à risque".
Un cas inquiète en ce moment la communauté scientifique : la nouvelle forme du virus de la grippe aviaire H5N1. Les Etats-Unis ont recensé début janvier un premier décès humain lié à ce virus. Il se transmet désormais à des mammifères. "Il est en train de se propager abondamment dans les élevages bovins. Dans ce contexte, il faut une gestion internationale raisonnée de manière à pouvoir prendre des mesures sur le territoire américain, mais aussi de manière à pouvoir éviter que cette épidémie ne s'étende au reste du monde" précise le Dr Etienne Decroly.
En cas de nouvelle mutation de ce H5N1et d'une contamination inter-humaine, le manque d’échange des données épidémiologiques et scientifiques pourrait aussi "impacter l’élaboration de nouveaux médicaments ou de vaccins".
Mais des projets sont menacés concernant le développement des systèmes de santé des pays pauvres, la lutte contre le cancer, le paludisme, le sida, ou encore la polio. Un programme soutenu depuis 30 ans par les Etats-Unis pour éradiquer la maladie. "On est quasiment au bout avec quelques dizaines de cas. En 2020 lorsqu'on a eu 4 mois d'arrêt de cette campagne de vaccination, il y a eu 200-300 nouveaux cas. Donc on peut avoir un risque de résurgence qui mettrait littéralement à terre les progrès de ces 30 dernières années sur ce sujet-là" précise le Dr Anne Sénéquier.
L'Organisation mondiale de la santé a dit lundi "regretter" la décision du président américain et espère qu'il va revenir sur son décret. Ce retrait s’il est maintenu ne devrait être effectif que d’ici un an.
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