Législatives : la mobilité, au cœur des enjeux de la 13e circonscription du Rhône

Un article rédigé par Anaïs Sorce - RCF Lyon, le 25 juin 2024 - Modifié le 28 juin 2024
Tempo · Le podcast d'actualité de RCF LyonLa mobilité au cœur des enjeux de la 13e circonscription du Rhône

Dans la 13e circonscription, la députée sortante de la majorité, Sarah Tanzilli, est mise en danger par le Rassemblement National représenté par Tiffany Joncour et par Victor Prandt, le candidat du Nouveau Front Populaire. Mais un nom qui n’est pas inconnu aux habitants fait son retour dans la course au Parlement : celui du LR Philippe Meunier.

 

Sur le marché de Décines, les habitants se sentent peu concernés par les élections législativesSur le marché de Décines, les habitants se sentent peu concernés par les élections législatives

« Le RN est en bonne voie pour passer, je comprends. Je ne me sens même pas concerné, je travaille, je paie mes impôts, je n’ai pas de casier comme ils disent, j’ai rien à craindre » sourit Maher. Il est commerçant sur le marché du vendredi à Décines, place de la Libération et pour lui, il ne fait aucun doute qu’il n’ira pas voter dimanche : « Ça fait 20 ans que je ne vais pas voter, je ne regarde même pas, on n’a pas le temps, on travaille tous les jours, nous ! C’est pas que ça me concerne pas mais c’est toujours pareil de toute façon. Ils parlent toujours de la même chose : des religions, de l’immigration, de la délinquance et quand c’est les élections, ils vont nous parler du pouvoir d’achat. Ce qui m’intéresserait, c’est qu’ils augmentent les salaires un peu, qu’ils baissent un peu les taxes, la TVA, le gasoil… » 


Faire baisser le prix du carburant, c’est justement l’un des arguments avancés par Tiffany Joncour, la déléguée départementale du Rassemblement National, candidate dans la 13e circonscription et qui tractait avec son équipe sur le marché. Après son échec dans la circonscription de Rillieux en 2022, elle est la favorite pour renverser Sarah Tanzilli (Renaissance), pourtant élue confortablement en 2022 face à Victor Prandt. Déjà à l’époque, le candidat de la Nupes ne s’était imposé que de sept voix face au candidat RN. Aujourd’hui, le parti de Jordan Bardella a conscience d’être en position de force dans l’Est Lyonnais où il a fait plus de 34% aux élections européennes du 9 juin. « C’est sûr qu’on a un excellent accueil sur le terrain » reconnaît Tiffany Joncour qui souhaite « mobiliser » pour atteindre son but : « Bardella premier ministre ». Et les enjeux locaux ? « Les législatives ont toujours été une élection nationale donc bien sûr c’est faire remonter de la circonscription à l’Assemblée Nationale les attentes du terrain mais tous les enjeux nationaux se retrouvent dans la 13e circonscription » estime la jeune femme avant d’égrener ses « trois axes : pouvoir d’achat, sécurité, immigration. Sécurité, on a un exemple récent c’est l’incendie criminel du groupe scolaire Marcel Pagnol à Meyzieu, symbole de la République. » 

78% des habitants de la 13e circonscription utilisent leur voiture

Mais le principal enjeu dans cette circonscription est celui de la mobilité, alors que 78% des habitants y utilisent régulièrement leur voiture. En effet, la 13e circonscription du Rhône est la plus à l’Est de l’agglomération lyonnaise, à la frontière de l’Ain et l’Isère. Elle regroupe des communes à la fois de la Métropole de Lyon – Chassieu, Jonage, Décines-Charpieu, Meyzieu et la partie Est de Saint-Priest – et du Nouveau Rhône – Colombier-Saugnieu, Genas, Jons, Pusignan, Saint-Bonnet-de-Mure, Saint-Laurent-de-Mure. Du village de 1 500 habitants aux villes moyennes de plus de 30 000 habitants, les typologies de communes sont variées avec un dénominateur commun : toutes ont une municipalité de tendance droite. L’attractivité de ce territoire, qui compte près de 35% de couples avec enfants, est importante avec près de 10 000 habitants gagnés en six ans. 

Si le RN vise donc une baisse du prix du carburant, le parti présidentiel par la voix de Sarah Tanzilli mise davantage sur le contournement autoroutier. La députée sortante et son équipe tractent également sur le marché, à quelques mètres des militants d’extrême-droite. Et les échanges sont parfois vifs, sous le ciel orageux de Décines. Sarah Tanzilli essuie la frustration des habitants vis-à-vis d’Emmanuel Macron et elle n’est pas sûre que « le moment soit le meilleur » pour cette dissolution. Malgré tout, la Majolane depuis 2010 estime que « l’évolution économique et démographique de notre territoire, qui est en pleine croissance nécessite une amélioration des services publics et des infrastructures. Et il y a un sujet sur lequel je suis particulièrement engagée c’est celui de la mobilité. Je crois qu’une agglomération comme l’agglomération lyonnaise a besoin d’un itinéraire de contournement pour sortir les véhicules en transit qui traversent juste l’agglomération, qui polluent et qui créent des bouchons ». Alors qu’un autre centriste se présente face à elle, Patrick Biaut, sans étiquette, Sarah Tanzilli fixe son objectif : lancer « des études sur la prolongation de l’autoroute A432 pour avoir un véritable itinéraire de contournement » mais pas seulement. « La mobilité en transports en commun sur ce territoire est un enjeu fondamental. Sur ce plan-là, l’Etat est en capacité mais s’il n’y a pas de politique publique de la part des collectivités compétentes, et en l’occurrence le Sytral et la Métropole de Lyon, qui soient suffisamment ambitieuses, il n’y aura pas de résultat. Dans les problématiques de mes concitoyens, et elles sont réelles, il y a une implication de l’Etat mais il y a aussi une implication des collectivités territoriales et en particulier de la Métropole de Lyon qui depuis 2020 se désintéresse de l’Est Lyonnais et n’investit pas suffisamment au regard de l’importance que constitue ce territoire pour le développement de l’agglomération lyonnaise, en particulier sur la question des transports en commun ».  

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Des droites dispersées dans la 13e circonscription

Mais la députée sortante, qui s’apprêtait à proposer un projet de loi sur les crèches avant la dissolution, aura fort à faire pour convaincre face à un RN en puissance et à un revenant sur son territoire : Philippe Meunier. L’actuel vice-président à la Région a été député LR dix ans dans cette circonscription, entre 2007 et 2017. Il peut même se targuer d’avoir fait basculer à droite ce bastion historiquement à gauche. Aujourd’hui, son retour à la demande des maires du territoire s’accompagne d’une notoriété bienvenue dans le contexte explosif pour les Républicains. S’il s’affiche dans le camp de Laurent Wauquiez, sa politique est très ancrée à droite. 


Pour se différencier des deux autres candidatures à droite, celle de Tiffany Joncour et celle d’Océane Gigarel pour Reconquête, il mise sur son parcours : « je suis de droite, j’ai toujours été de droite et je n’ai pas attendu le Rassemblement National pour traiter des questions de sécurité ou faire face à l’immigration de masse ». Sa priorité est « l’organisation territoriale. Il faut revoir la loi concernant les compétences de la Métropole et surtout la représentation des maires au sein de cet exécutif-là. Les maires sont quasiment sous tutelle de ce que j’appelle des « khmers verts » qui imposent leur vision du monde sans la négociation. Les maires en souffrent beaucoup et les territoires avec ». La politique du « tout-vélo » prôné par la Métropole écologiste agace le candidat LR qui voit dans la mobilité « un enjeu absolument crucial avec la rocade Est absolument saturée ». Il appelle à se demander « quel avenir on veut pour nos enfants. On a compris qu’Emmanuel Macron est un pompier pyromane. C’est pas une raison pour l’accompagner pour mettre le feu à toute la France » alerte-t-il. 

A gauche, Victor Prandt, un animaliste engagé 

Pourtant, Maher, le commerçant, estime que « le RN, ça n’a plus rien à voir avec le Front National » et il n’est pas le seul. A 47 ans, Fati est un Algérien qui vend des olives et des fruits secs sur le marché décinois. D’abord hésitant, il se confie finalement : « le vrai problème, c’est pas l’immigration, c’est le partage des richesses. Je suis musulman, je fais la prière, personne de ma famille n’a jamais été en prison, qu’est-ce que je m’en fous ? Je suis pour la liberté moi ! Le problème, c’est que les richesses de la France ne sont pas très bien partagées : il y a des gens qui travaillent, qui méritent qui n’ont pas de droit et y a des gens qui ne travaillent pas, ne méritent pas et qui en ont. Ils dorment chez eux, ils touchent des aides, ils font trois enfants, ils partent en vacances deux ou trois semaines… moi et ma femme on travaille à l’année et on a le droit à une semaine ? Ça veut dire que des gens qui ne travaillent pas ont plus de droits que moi ! C’est ça la vérité, c’est choquant. Ça m’énerve parce que je trouve que ce n’est pas normal. Je suis un peu direct, je suis désolé mais c’est la seule vérité et tout le monde pense la même chose à part les gens qui se mentent à eux-mêmes ». 


Pourtant, à gauche, le son de cloche est tout autre. L’animaliste Victor Prandt, candidat malheureux en 2022 face à Sarah Tanzilli, proche de LFI et membre du parti d’Aymeric Cayron « La Révolution Ecologique pour le Vivant », aimerait « porter la fin de l’élevage en cage. C’est un sujet qui est important pour 7 Français sur 10 pour qui c’est une priorité ». Il veut également faire fermer les centres de rétention administrative comme celui de Colombier-Saugnieu où « on enferme des étrangers jusqu’à 90 jours pour de simples raisons administratives » et « régulariser » tous les sans-papiers qui y sont aujourd’hui maintenus. Alors qu’il doit éviter la dispersion des voix en faveur de Didier Barthès, candidat pour le mouvement écologiste indépendant, et, dans une moindre mesure, pour Michel Piot le candidat Lutte ouvrière, Victor Prandt préfèrerait que « les millions d’euros utilisés pour réprimer un millier de personnes » soient utilisés « pour les accueillir dignement ». Sollicité comme tous les autres candidats par des riverains de l’aéroport Saint-Exupéry auprès desquels il veut s’engager à lutter contre les nuisances, Victor Prandt dénonce « une métropolitisation de nos territoires qui a créé ces zones péri-urbaines qui doivent subir certaines conséquences du centre ». Lui ne veut ni « défendre les automobilistes quoi qu’il arrive » ni leur dire « ne vous inquiétez pas, vous allez tous passer au vélo du jour au lendemain » et renvoie à des questions d’urbanisme : « c’est la façon dont on a construit nos villes et vendu le mythe de la maison individuelle pour tout le monde. Ça a créé ces éloignements des lieux de travail qui piègent les gens dans cette contrainte de la voiture. Il va falloir redensifier certaines zones et qu’on explique que ce mythe de la maison individuelle, ce ne sera pas possible ». 


Les jeux sont donc ouverts dans cette circonscription où il faudra notamment convaincre les nombreux nouveaux habitants du secteur.

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