Cet été, le Marquis de Quinsonas a encerclé son domaine de 750 hectares de panneaux “propriété privée, défense d'entrer” interdisant ainsi aux randonneurs le passage sur ses terres situées sur les Hauts de Chartreuse. Si le droit français l’autorise, la pratique pose question, qui peut jouir librement de la montagne ?
Dès la mise en place des panneaux, les premières voix se sont élevées. Le domaine de Quinsonas est un lieu de passage presque inévitable pour ceux et celles qui randonnent en Chartreuse : en son sein se cache, par exemple, la Tour Percée, l’une des plus belles structures naturelles du territoire.
Pétition, dialogue, manifestation, les initiatives se sont multipliées pour tenter de faire plier le propriétaire. “Je lui ai dit qu’il ne mesurait pas l’ampleur de sa décision” témoigne Fredi Meignan, vice-président de Mountain Wilderness. “C’est toute une vallée qu’il va se mettre à dos, et ses enfants après lui”.
Il faut dire que l’été, la Chartreuse est le terrain de jeu de bons nombres d’amoureux de la nature faisant tourner l’économie locale, de quoi inquiéter les randonneurs, mais aussi les commerçants.
Mais rien n’y fait, le Marquis ne change pas son fusil d’épaule, bien au contraire. Il interdit aux promeneurs de passer sur ses terres, mais y organise désormais des chasses privées pour des clients fortunés.
Ce que la loi française autorise également.
En février 2023, le législateur autorisait les propriétaires terriens à, par simple apposition de panneaux, interdire à la circulation leurs domaines. “C’est une loi qui découle d’une situation particulière, propre à la Sologne” explique Fredi Meignan. “Là-bas, beaucoup de parcelles étaient grillagées, la faune était donc parquée à l'intérieur. Pour remédier à la situation, la loi a évolué et les grillages ont été remplacés par des panneaux. Mais maintenant ce sont les hommes qui ne peuvent plus se déplacer”.
Cette loi a été une erreur reconnaissent plusieurs parlementaires et certains comptent dès à présent faire marche arrière : le député de l'Isère Jérémie Iordanoff, entend proposer un texte de loi qui défende un “accès libre à la nature”.
Si ce cas fait jurisprudence, nous pourrions être privés de 30 % à 50 % des montagnes
Une décision soutenue par les randonneurs et les associations. “Nous avons peur que ce cas serve de jurisprudence alors que 30 % à 50 % de nos montagnes sont des terrains privés” imagine le vice-président de Mountain Wilderness. “On pourrait se retrouver privé d'accès à la nature et ce serait une catastrophe. Même pour la protection de la biodiversité : on protège ce qu’on aime, et qu'on connaît, il faut ce contact !”
Pour l’heure, la situation reste inchangée, le Marquis a même embauché des gardes chargés de surveiller ses terrains de montagne. “On y gagnerait tous si ces gardes étaient des médiateurs bienveillants” souffle Fredi Meignan.
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