Lors de sa réélection le 17 mars 2024, le président russe Vladimir Poutine a mise en garde contre un conflit possible entre la Russie et l’OTAN. Lors de sa prise de parole, il a soutenu que cela "marquerait l’ultime étape avant une Troisième Guerre mondiale. Je pense que pratiquement personne ne veut de cela». Depuis plusieurs années déjà, il dénonce l'adhésion des pays voisins. Pourquoi donc la Russie se méfie-t-elle autant de l’OTAN ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
La guerre en Ukraine vient-elle réveiller une question ancienne : comment contenir Moscou, et comment se protéger ? Elle vient aussi sortir du sommeil une partie de la réponse : pour se défendre, il y a l’OTAN, l’Organisation du Traité d’Atlantique Nord, une organisation à laquelle la France. L’objectif depuis 1949 : se protéger mutuellement contre toute menace. La fin de la seconde guerre mondiale avait fait naître la peur de voir apparaître de nouveaux conflits qui mettraient le monde à feu et à sang, comme au cours de la première moitié du XXe siècle.
Si les tensions tendaient à s'apaiser dans un premier temps, on vit rapidement les deux superpuissances qu’étaient les États-Unis et l’URSS se montrer les crocs. En 1949, les tensions atteignent un point de non retour avec le blocus de Berlin. C’est donc le 4 avril 1949 qu’est signé officiellement le traité de l’Atlantique Nord.
Comme l’indique André Brigot, politologue, ancien enseignant à l’EHESS et associé de Justice & Paix, l’objectif initial de l’organisation est de donner un pied à terre aux USA en cas de tentative expansionniste soviétique. "L’OTAN se forme sur la charte 51 des Nations Unies qui permet la légitime défense. L’objectif de sa création était d’arrimer les États-Unis sur le vieux continent au lendemain de la guerre", explique-t-il.
Début 1949, seuls les États-Unis possédaient la bombe atomique, même si l’URSS réalisera son premier test concluant en août de la même année. À l'époque, et indirectement, l’objectif de l’OTAN est de placer l’Europe, grandement fragilisée par la guerre, sous la protection nucléaire. Ainsi, la frontière dessinée par les pays membres a longuement constitué une ligne rouge sur laquelle reposait l’équilibre entre le bloc Est et Ouest durant la guerre froide.
De nos jours, l’OTAN constitue un regroupement de 32 pays souverains pour un effectif total de 145.000 hommes et une des armées les plus modernes au monde.
En temps de grandes tensions avec une Russie en guerre avec l’Ukraine, beaucoup craignent que le jeu des alliances tissées par l'OTAN entraîne le monde dans une nouvelle guerre mondiale. Cependant, Xavier Pacreau, internationaliste et maître de conférences à la Faculté de droit de l'Université catholique de Lille, redit le caractère défensif de l'organisation. "L’OTAN a déjà été déployée lors de missions spéciales. Cependant, il ne s’agit pas de déployer une opération militaire mais plutôt de maintenir la sécurité dans une région bien précise", rappelle-t-il.
En l’absence d’une armée européenne, on pourrait également considérer l’OTAN comme un moyen pour les occidentaux d’allier leurs forces armées dans un effort commun pour suivre un objectif. André Brigot tient d’ailleurs à rappeler que les finances ne sont pas intégralement gérées par les fonds américains. "L’Europe finance l’OTAN à hauteur de 50 %, contrairement au mythe qui voudrait que les États-Unis paient tout".
Il ne s’agit pas de déployer une opération militaire mais plutôt de maintenir la sécurité.
À l’origine, son objectif était d’éviter l'émergence d’une nouvelle grande puissance fasciste et d’empêcher une potentielle expansion de l’URSS en Europe. Lorsque cette menace fut démantelée en 1991, l’OTAN vécut une profonde crise identitaire, ses membres ne sachant pas véritablement ce qui pourrait en être fait. Si l’on a assisté à une quasi renaissance de l’organisation depuis 2021, André Brigot avance l’idée que le rôle de l’OTAN s’est aujourd’hui élargi à un plan plus économique : "L’OTAN n’est pas guidée que par la politique, on y retrouve aussi de nombreux intérêts économiques. Cette alliance ouvre de grands marchés de l’armement. Lors de périodes de paix, l’OTAN crée des normes". Il existe un véritable arrière plan industriel et commercial dans le domaine de l'armement.
Un conflit opposant la Russie à l’OTAN inquiète. Cela ne signifierait pas seulement la naissance d’une guerre de grande ampleur mais aussi l’entrée en guerre de plusieurs puissances nucléaires. Pour André Filler, spécialiste de l’espace post soviétique, l’OTAN n’aurait aucune raison d’entrer en guerre à l’heure actuelle : "La Russie n’a aucune raison de percevoir l’OTAN comme une menace. On peut le constater dans la très faible couverture du territoire russe par les défenses anti-aériennes. Aujourd’hui, Vladimir Poutine essaie d’élaborer cette image de village gaulois entouré d’ennemis tandis que la Russie se place en agresseur".
Malgré tout, les récentes déclarations du président français Emmanuel Macron n'ont pas rassuré les acteurs souhaitant la paix, le dirigeant jouant grandement sur le flou et l’anticipation. À cela, André Brigot souhaite rappeler que sa position ne lui permet pas de décider si entrée en guerre doit avoir lieu ou non. "L’OTAN est une alliance défensive. Il n’est pas question d’envoyer des troupes en Ukraine. Le président Macron n’a parlé qu’au nom de la France, il n’a pas la légitimité sur l’ensemble de l’alliance".
Vladimir Poutine essaie d’élaborer cette image de village gaulois entouré d’ennemis tandis que la Russie se place en agresseur.
Les deux camps montreraient-ils les crocs sans intention de s’affronter véritablement ? Difficile de donner une déclaration certaine lorsque la situation géopolitique se révèle être aussi changeante. Xavier Pacreau nous rappelle d’ailleurs qu’en année d'élection présidentielle américaine, beaucoup de choses pourraient être amenées à changer : "On peut imaginer que l’élection de Donald Trump mènerait à un nouvel âge de l’OTAN en limitant l’engagement des Etats-Unis. Cela provoquerait un profond dysfonctionnement de l’organisation qui lui ferait perdre en crédibilité et efficacité".
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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