Ce week-end, Notre-Dame de Paris a été un symbole d’unité, non seulement grâce au coup diplomatique qu’a représenté la réunion de chefs d’État et de figures influentes du monde entier dans l’édifice, mais également par la richesse des rites de l’Église catholique : l’ouverture des portes, le réveil de l’orgue, ou encore la consécration de l’autel par Mgr Ulrich. Que représente cette cathédrale aux yeux du reste du monde, alors que les images de sa réouverture ont fait le tour des télévisions et des réseaux sociaux à l’échelle planétaire, dans un contexte où les équilibres géostratégiques apparaissent particulièrement fragiles ? Décryptage avec Rémi Brague, philosophe, médiéviste et historien des religions.
La réouverture de Notre-Dame a coïncidé avec la censure du gouvernement de Michel Barnier et la chute du régime de Bashar al-Assad en Syrie. Cet événement a permis de rassembler, dans une période d’instabilité, plus d’une cinquantaine de chefs d’État.
Le 15 avril 2019, le monde entier a été marqué et ému par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. "Dans des pays qui ne sont nullement chrétiens ou catholiques, la réaction a été la stupeur et l’accablement", s’étonne Rémi Brague. L’existence même de ces cathédrales, d’une beauté à couper le souffle et témoignant d’une virtuosité technique extraordinaire, peut expliquer en partie ces réactions, précise l’historien. Rémi Brague souligne que la seule charpente de Notre-Dame relève d’une prouesse technologique. "Cela montre que le Moyen Âge est bien au-dessus de la légende obscure qu’on lui a attribuée depuis la Renaissance", conclut le médiéviste.
C’est important parce que cela prouve que le christianisme n’est pas resté une doctrine théorique, déconnectée de la réalité. Il a eu des conséquences sociales.
Selon Rémi Brague, la beauté des cathédrales témoigne de la foi des personnes qui ont construit ces édifices. "Il y a une élévation, pas seulement par la hauteur des tours et des flèches, mais quelque chose qui nous transporte." Il cite les travaux de Lynn Townsend White, historien et médiéviste américain, qui a expliqué que les cathédrales sont parmi les premiers monuments importants à ne pas être le fruit du travail servile. "C’est important parce que cela prouve que le christianisme n’est pas resté une doctrine théorique, déconnectée de la réalité. Il a eu des conséquences sociales", ajoute-t-il. Pour l’historien, les cathédrales témoignent de l’importance historique des édifices religieux qui ont façonné les sociétés médiévales.
"Il y a une déclaration attribuée à Mahomet selon laquelle ‘Dieu étant beau, il aime la beauté’", rapporte Rémi Brague. Selon lui, il existe une idée selon laquelle le beau nous donne accès à une réalité supérieure. "Peut-être pourrait-on dire que le beau a en soi quelque chose de religieux", poursuit-il.
On ne naît pas chrétien, on le devient. C’est un acte libre. Cela s’adresse à tous les hommes, mais tous ne sont pas obligés d’entrer.
Pour Rémi Brague, Notre-Dame de Paris nous ouvre ses portes et dit : "Entrez, vous êtes ici chez vous. Cette maison est la vôtre. Vous êtes le bienvenu." L’historien se dit heureux que les évêques aient obtenu la gratuité de l’entrée à Notre-Dame. Les cathédrales, lieux où résident les évêques, successeurs des douze apôtres, sont un témoignage vivant de leur mission. La cathédrale s’adresse ainsi à tous les hommes, croyants ou non croyants, qui y entrent. "On ne naît pas chrétien, on le devient. C’est un acte libre. Cela s’adresse à tous les hommes, mais tous ne sont pas obligés d’entrer."
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