Hérault
Un Français sur quatre consomme régulièrement des compléments alimentaires. Souvent perçus à tort comme naturels, ils ne sont pas sans danger pour la santé. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a tiré la sonnette d’alarme cette semaine sur les risques de ces produits.
Les Français raffolent des compléments alimentaires. Selon un baromètre du lobby des produits de santé sans ordonnance, NèreS, depuis 2019, les ventes des compléments alimentaires en pharmacie ont bondi de 56 %.
Cependant, ces compléments alimentaires peuvent avoir des effets indésirables sur la santé. "Ça peut être des effets assez bénins et courants, comme des problèmes digestifs, des diarrhées ou des éruptions cutanées", liste Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).
“Mais à l'inverse, on peut avoir également des effets tout à fait graves, comme des hépatites, des accidents vasculaires cérébraux, des collapsus cardiovasculaires”, souligne-t-il. Le zinc peut créer des carences en cuivre, l’aloe vera est contre-indiqué en cas d’occlusion intestinale.
Tous ces produits peuvent interagir avec des traitements en médicaments. “Les compléments alimentaires peuvent contenir des substances qui vont interférer avec le métabolisme ou le mode d'action des médicaments. Et on a été confronté à des situations où des personnes se retrouvaient avec soit un traitement qui ne fonctionnait plus, ou au contraire des effets indésirables liés aux médicaments qui jusqu'à présent étaient bien tolérés”, décrit Aymeric Dopter.
Sur internet, il y a une grande diffusion de produits "miracles" qui affirment soigner le cancer, guérir l’endométriose ou encore lutter contre l’infertilité. Selon la répression des fraudes, en 2017, sur 95 sites internet assurant commercialiser des compléments alimentaires contrôlés, 76 n’étaient pas conformes.
Un manque de contrôles qui peut entraîner des effets sérieux et aboutir à des scandales. Comme il y a un an au Japon, où cinq personnes sont mortes après la prise de compléments alimentaires contenant de la levure de riz rouge censée faire baisser le cholestérol. À la suite de la contamination du produit, près de 150 autres personnes ont dû être hospitalisées.
De plus, récemment, l’Agence nationale de sécurité sanitaire a alerté sur les coupe-faim à base de plantes Garcinia cambogia après plusieurs cas d'atteinte hépatique, dont une mortelle. Il y a donc plusieurs niveaux de danger pour les compléments alimentaires. “Il y a des problèmes de toxicité directe. Mais aussi des problèmes de qualité avec ce qu'on appelle des adultérations, c'est-à-dire la présence de composés qui sont toxiques, notamment des dérivés de médicaments ou carrément des médicaments interdits, comme la sibutramine, qui peuvent encore se retrouver dans des compléments alimentaires frauduleux pour procurer, justement, un effet coupe-faim et apporter l'effet que recherche le consommateur”, précise Aymeric Dopter.
Des “gummies”. C’est le terme marketing employé pour désigner plusieurs compléments alimentaires. Ces produits sont souvent présentés sous des formes marketing ludiques, ressemblant davantage à des confiseries. Le problème concerne les enfants qui ne vont pas faire la différence entre un complément alimentaire et un bonbon.
L’ANSES a déjà alerté en 2023 sur des surdosages de vitamines D, liés à la prise de compléments alimentaires chez des nourrissons. La banalisation de ces produits, induite par leur forme marketing, produit "une confusion chez les patients", critique Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine. “Vous avez des produits qui sont réellement des compléments alimentaires, parce que ça va être des vitamines, des minéraux, ils vont être là pour supplémenter une alimentation qui va être appauvrie. Et puis vous avez des produits comme des sirops dans lesquels il y a de l'eau, du miel et puis un peu de camomille. Ça a le statut de complément alimentaire, mais c'est présenté comme un médicament. Et ça crée un doute dans l'esprit des patients. Ils sont perdus”, dénonce le pharmacien.
Contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires ne sont soumis à aucune autorisation de mise sur le marché ou étude d’efficacité ou d’innocuité avant leur commercialisation. Une réglementation trop légère pour Pierre-Olivier Variot : “Il faudrait un cadrage pour ne pas faire n'importe quoi. Je comprends l'industriel qui sort un produit sous la dénomination 'complément alimentaire' parce que c'est la solution de facilité. Mais ce ne sont pas des produits de consommation courante, ce sont des produits de soins et on se doit d'avoir l'excellence”.
37 % des Français pensent, à tort, que les compléments alimentaires compensent une mauvaise alimentation. L’ANSES rappelle qu’en “l’absence de pathologie ou d’appartenance à une population à risque de carence, la couverture des besoins nutritionnels est possible par une alimentation variée et équilibrée”.
En cas de fatigue, de perte de poids ou d’autres symptômes, l’ANSES recommande de consulter un médecin avant de consommer ce type de produits en libre accès, pour éviter tout retard de diagnostic ou de prise en charge.
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