Dans le tourbillon d'une actualité tourmentée, maintenir une hauteur de vue. La séquence des retraites a réveillé une colère sociale qui traduit la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis de leurs dirigeants. Alors que flotte sur le pays une ambiance de chaos, Manuel Valls revient avec une réflexion sur le pouvoir, dans laquelle il visite le destin de douze figures historiques. L'ancien premier ministre se fait ambassadeur du courage politique.
"Le courage, c'est c'est de dire la vérité aux Français", martèle Manuel Valls, auteur d'un récent livre consacré au courage en politique*. "Dire que nous avons besoin d'améliorer encore notre productivité économique, qu'il faut sans doute travailler plus longtemps, parce que d'abord nous vivons plus longtemps, mais parce que c'est aussi indispensable pour notre économie", assène celui qui, lors de la présidentielle de 2017, avait rallié la campagne d'Emmanuel Macron.
S'il juge sur la réforme des retraites essentielle sur le fond, il diverge en revanche sur la méthode. L'ancien premier ministre socialiste (de 2014 à 2016) regrette que l'exécutif ait fait l'économie d'un débat global, qui prenne en compte les transformations sociales. "Peut-être que le président de la République aurait dû d'abord commencer par une grande réflexion sur la question du travail, estime-t-il. On voit bien, par les effets de la pandémie du Covid, l'essor du télétravail, et tout simplement par les nouvelles formes de de communication, les possibilités qu'on a de travailler autrement." L'exigence de cohérence, le courage, obligent selon lui le chef de l'État à maintenir son texte impopulaire malgré la pression de la rue et des syndicats : "Je pense qu'un responsable politique, un homme d'État, doit être capable d'aller jusqu'au bout de ses convictions."
Au-delà des retraites, les Français demandent à leurs dirigeants la vérité et la clarté, sur tous les sujets. "Il faut les mobiliser de nouveau autour de priorités qui soient claires, considère Manuel Valls, qui ne mâche pas ses mots. Nous sommes en guerre, donc il faut une économie de guerre. Les budgets de défense de tous les pays en Europe, dont la France, vont être massivement augmentés." Quant à l'écologie, "il faut mettre le paquet sur la filière nucléaire si l'on veut réussir la transition énergétique", prescrit-il.
Je ne vous cache pas mon inquiétude sur l'état de la démocratie aujourd'hui dans notre pays, sur la violence qui existe dans la rue, vis-à-vis des élus ou entre les gens
"Le courage est une vertu bien sûr, c'est un mélange de convictions, de valeurs et de vérité. La lucidité et la vérité me semblent toujours essentielles quand on gouverne. Et je ne vous cache pas mon inquiétude sur l'état de la démocratie aujourd'hui dans notre pays, sur la violence qui existe dans la rue, vis-à-vis des élus ou entre les gens, donc il faut être très attentifs à ce qui est en train de se passer", s'inquiète l'ancien locataire de Beauvau, juste avant Matignon.
À une époque marquée par l'effondrement des grands récits politiques et religieux, le courage se vide-t-il d'une partie de son sens ? Dans cette vertu, "il y a forcément quelque chose de la transcendance, ose Manuel Valls. Elle peut être philosophique, elle peut être évidemment religieuse, elle peut être collective ou personnelle. C'est la vocation de l'être humain, sa propre identité : il réfléchit, il pense." Il tient un discours aux accents patriotiques, aujourd'hui vilipendé par une partie de la gauche. "Nous sommes une terre, je parle de l'Europe, qui est celle des racines chrétiennes, du siècle des Lumières, de la laïcité française, de l'accueil d'autres religions, et ça forme un espace civilisationnel qui est celui de la démocratie, de la liberté, de la tolérance", raisonne-t-il. "Je veux le rappeler, c'est cette civilisation que Milan Kundera, qu'Alain Finkielkraut ou que Charles Péguy peuvent défendre, chacun avec ses mots."
Nous sommes une terre, je parle de l'Europe, qui est celle des racines chrétiennes, du siècle des Lumières, de la laïcité française, de l'accueil d'autres religions
Dans son ouvrage, Manuel Valls décrit le courage de personnalités inspirantes. Parmi elles, il cite l'exemple de Willy Brandt, chancelier fédéral d'Allemagne de 1969 à 1974, "qui s'agenouille comme un pénitent d'une certaine manière devant ce monument qui rappelle le martyre des Juifs à Varsovie". Il est des gestes que le courage dispute à la transcendance.
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