Le 150e anniversaire de la naissance de sainte Thérèse de Lisieux et de l’écrivain Charles Péguy est l’occasion de relire leurs deux vies pour mieux en percevoir les aspects complémentaires.
Vous me pardonnerez, j’espère, de profiter honteusement de cet édito pour promouvoir le formidable récit à retrouver en Une de La Vie cette semaine… Mais le sujet me tient à cœur, et je crois qu’il peut parler en ce début d’année.
Il se trouve qu’il y a tout juste 150 ans, le 2 janvier 1873, naissait à Alençon une certaine Thérèse Martin, plus connue sous le nom de Thérèse de Lisieux (pour faire simple). Et cinq jours plus tard, un peu plus à l’est, à Orléans, le 7 janvier, c’est un certain Charles Péguy qui voyait le jour. Drôle de coïncidence pour cette femme et cet homme qui vont avoir une postérité incroyable, et bien au-delà de la seule sphère catholique.
C’est vrai, si on s’en tient aux apparences. Tout semble opposer l’écrivain socialiste et la religieuse. Prenez Thérèse, qui entre au carmel à 15 ans pour y mourir moins de 10 ans plus tard. Une vie cachée à explorer une "petite voie" spirituelle, proclamée sainte et même docteure de l’Église tout en passant à la postérité derrière pas mal de sirop, de roses et de folklore populaire. Et de l’autre côté, Péguy, qui s’est davantage fait un nom qu’un prénom, qui commence par rejeter la foi chrétienne pour y revenir sur le tard, qui brûle d’un engagement politique radical et mourra pour la France dans les premiers jours de la Première Guerre mondiale…
Thérèse et Charles, ce sont pour leur époque les deux visages d’un engagement total pour le Christ
On pourrait lister ce qui les rapproche : fils et fille d’artisans, orphelins d’un parent, puisant dans l’esprit d’enfance, fidèles à leurs engagements, auteurs de best-sellers, solidaires des damnés de la terre et du Ciel, passionnés l’un comme l’autre par Jeanne d’Arc auquel chacun a consacré des pièces de théâtre… Mais tout cela, au fond, est sans doute surtout dû au hasard et à un jeu de points communs un peu artificiel.
Alors, quoi ? Mais l’essentiel, en réalité ! Ce que leurs trajectoires fulgurantes ont de commun, c’est le feu de l’Évangile et l’exaltation vibrante d’une espérance chrétienne offerte à tous, en quelque sorte "démocratisée" ! Tout est grâce : Péguy et la "petite" sœur, Thérèse et Charles, ce sont en fait pour leur époque les deux visages d’un engagement total pour le Christ. Deux faces complémentaires d’une mystique (républicaine et chrétienne), deux figures de combat (politique et spirituel), au fond, deux âmes ardentes jetées au tournant des XIXe et XXe siècle pour nous montrer le chemin.
Croisés, certainement pas. À vrai dire, on ignore même s’ils ont seulement entendu parler l’un de l’autre. Mais on les imagine facilement, à la mort de Péguy, se tomber dans les bras au Ciel, comme un petit frère retrouvant son aînée.
D’ailleurs, deux jours avant de tomber au front, on sait que le lieutenant Péguy a passé une nuit à orner de fleurs une statue de la Vierge dans une chapelle de l’Oise. Thérèse aurait sans doute approuvé le geste ! Elle-même morte 17 ans plus tôt, elle a en quelque sorte pris le relai de Charles au combat : les poilus écrivaient par sacs entiers au carmel de Lisieux pour se recommander à prière de la future sainte, dont la réputation était déjà grande…
Bref. Par-delà leurs nombreuses différences, Charles Péguy et Thérèse de Lisieux témoignent d’une mystérieuse complémentarité. C’est pour cette raison que, si vous me demandiez auquel va ma préférence, je vous répondrais comme la petite Thérèse : "Je choisis tout !"
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