Depuis son élection en 2013, le chef de l'Église catholique a multiplié les gestes et les prises de paroles, souvent fortes, pour attirer l'attention sur le sort des migrants. Cela qui lui vaut d'être fortement critiqué, y compris parmi les catholiques. Mais que veut vraiment le souverain pontife ? Milite-t-il pour un accueil des réfugiés largement ouvert et sans condition ? On fait le point.
Un pape qui serait "obnubilé" par les migrants, un chef religieux qui avancerait sur le terrain politique… C’est souvent au sujet des migrants que se cristallisent les oppositions au pape François, y compris parmi les catholiques. Alors que le souverain pontife est attendu en France, sur fond de nouvelle crise migratoire en Europe, on se pose la question : Le pape en fait-il trop avec les migrants ? Pourquoi tant de prises de paroles et de gestes forts au risque de déplaire à une partie de ses fidèles ?
Depuis le 11 septembre, des milliers de migrants ont débarqué à Lampedusa, on parle de plus de 10.000 personnes. L’état d’urgence a été déclaré sur cette petite île italienne située entre la Tunisie et la Sicile qui n’avait jamais vu autant de personnes débarquer en si peu de temps. Si beaucoup "ont été récupérées en mer sur des embarcations de de fortune, beaucoup sont mortes en route", selon France Info.
Une actualité qui vient tristement illustrer les récents propos du pape. "La Méditerranée est un cimetière", a-t-il déclaré le 6 août dernier dans l’avion de retour des JMJ. Il expliquait alors les raisons de sa venue en France : "Je vais à Marseille pour réfléchir sérieusement au drame des migrants." Le souverain pontife s’était d’ailleurs rendu à Lampedusa pour le premier déplacement de son pontificat, le 8 juillet 2013.
La question migratoire est à l'ordre du jour des échanges entre le pape et Emmanuel Macron. Du côté de l’Élysée, on parle d’une "convergence" entre le chef de l’État et le souverain pontife sur les solutions qui peuvent être apportées "au niveau européen". Ce mardi 19 septembre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a toutefois affiché sur TF1 une "position de fermeté" et annoncé que la France "[n’accueillerait] pas de migrants" de l’île de Lampedusa.
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Benoît XV, Paul VI, Jean-Paul II… Avant François, de nombreux souverains pontifes sont intervenus pour attirer l'attention sur le sort des réfugiés. Mais la question revient souvent avec François. En juin dernier, c'est en sortant de l’hôpital qu'il a eu une pensée pour les 79 migrants morts en mer au large des côtes grecques quelques jours auparavant. En fait, on ne compte plus ses prises de paroles sur la question tant elles sont nombreuses.
Le pape François a aussi multiplié les gestes forts pour interpeller les médias : jeter une couronne de fleurs dans la mer devant des migrants à Lampedusa (en 2013), laver les pieds de personnes exilées de différentes confessions pour le Jeudi saint (en 2016), rentrer au Vatican en compagnie de réfugiés (depuis Lesbos en 2016)… Autant d'initiatives que la presse s’est empressée de relayer.
Fait exceptionnel, la section des migrants et des réfugiés, du Dicastère pour le service du développement humain intégral - sorte de ministère au Vatican créé en 2016 - a été placée sous la responsabilité directe du pape. En 2018, pour lui donner plus de visibilité, François a déplacé la Journée mondiale du migrant et du réfugié au dernier dimanche de septembre (elle était jusque-là fixée au mois de janvier, une date jugée trop porche de Noël). Enfin, ce samedi 23 septembre, devant la basilique Notre-Dame de la Garde à Marseille, le pape doit se recueillir devant la stèle dédiée au marins et réfugiés morts en mer.
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C'est peu de dire que le pape ne mâche pas ses mots quand il évoque le sort des migrants. En particulier quand il s’en prend à l’Europe et aux pays occidentaux, dont il a dénoncé les "égoïsmes personnels et nationaux". À Lesbos en 2021, il a eu ces mots retentissants : "Je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !" En France, en écho à la virulence de certains de ses propos, dans les médias le pape est tantôt présenté comme celui qui séduit les non-croyants en prenant la défense des migrants. Pour d’autres, il est celui qui prend le risque de s’aliéner une partie des catholiques en affichant ouvertement des valeurs de gauche.
Quand il prend la parole sur un tel sujet, le pape ne peut ignorer qu'il s'empare d'un thème récurrent - et clivant - dans les débats politiques en Europe. Mais où s'arrête le spirituel ? Où commence le politique ? "La foi exhorte à l'hospitalité, a déclaré François à Lesbos en 2021, ce n'est pas de l’idéologie religieuse, ce sont les racines chrétiennes concrètes. Jésus affirme solennellement qu'il est là, dans l'étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé." Et lors de la messe pour les migrants qu'il a célébrée en juillet 2019, six ans après son voyage à Lampedusa, il s'est exclamé dans son homélie : "Ce sont des personnes. Il ne s’agit pas seulement de questions sociales ou migratoires !... Les migrants sont avant tout des personnes humaines, et au sens où ils sont aujourd’hui le symbole de tous les exclus de la société globalisée."
Des prises de parole au sujet des migrants qu'il faut relier à son discours dénonçant la "culture du déchet". Une expression qui revient souvent, notamment dans son encyclique Laudato Si'. François écrit que cette "culture du déchet... affecte aussi bien les personnes exclues que les choses, vite transformées en ordures". Le souverain pontife questionne ainsi nos modes de vie et un système économique qui, en même temps qu'il détruit la nature, engendre l'exclusion des plus fragiles - les migrants, mais aussi les personnes en fin de vie ou les enfants à naître. Pour François en effet, l'euthanasie ou l'avortement relèvent de cette "culture du déchet". "Le Seigneur nous appelle à une conversion, à nous libérer des exclusions, de l’indifférence et de la culture du déchet", a-t-il rappelé en 2019.
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Le pape parle beaucoup des migrants, mais que veut-il et que propose-t-il ? S’il y a une chose en particulier qu’il dénonce très nettement, ce sont les camps de détention pour migrants. À Chypre en 2021, il les a comparés à des camps de concentration nazis. Pour autant, le pape milite-t-il pour un accueil des migrants largement ouvert et sans condition ? En novembre 2016, dans l’avion de retour de Suède, il évoquait la "prudence des gouvernants". "Les gouvernants doivent être très ouverts pour les accueillir, déclarait-il, mais également analyser comment pouvoir les installer, car il ne s’agit pas seulement de recevoir un réfugié, il faut aussi l’intégrer."
Ce que veut le pape, il l’a résumé dans son message du 15 août 2017 pour la 104e Journée mondiale du migrant et du réfugié : "Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer". Pour lui, "accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination". S’il encourage à ce que "soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial", il insiste sur l’ouverture des "corridors humanitaires pour les réfugiés les plus vulnérables".
Les couloirs humanitaires sont l’une de ses réponses concrètes à la crise migratoire. Des dispositifs qui permettent d’accompagner les exilés, d’éviter de les enfermer dans des camps de détention et de favoriser leur intégration. Pour lui, l’essentiel est de pouvoir "accompagner" et "gérer les flux de la meilleure façon possible, en construisant des ponts et non des murs, en élargissant les canaux pour une migration sûre et régulière". Pour la mise en place de ces couloirs humanitaires, le chef de l’Église catholique a déjà pu compter sur la communauté de Sant’Egidio et le réseau Caritas.
Enfin, dans son message pour la 109e Journée mondiale du migrant et du réfugié, qui a lieu le 24 septembre prochain, le pape écrit : "J’insiste encore sur la nécessité de favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre." De ce point de vue, dans le programme que propose le diocèse de Marseille à l’occasion des Rencontres méditerranéennes, il y a semble-t-il une réponse comme en attend le pape à la crise migratoire.
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