Un accord signé lundi entre la France et le Royaume-Uni doit permettre de juguler les traversées illégales de personnes exilées dans la Manche. Changera-t-il les choses alors que les tentatives de traversées de la Manche ont atteint un record en 2022 ?
L'accord signé lundi entre la France et le Royaume-Uni a pour objectif d'enrayer les traversées illégales de personnes exilées dans la Manche. Il prévoit que les Britanniques versent 72,2 millions d'euros à la France sur 2022 et 2023. La France, en contrepartie, doit augmenter de 40 % ses forces de sécurité.
Cela se traduit par le déploiement de 350 policiers et gendarmes supplémentaires sur les plages du nord de la France. Des moyens d’abord humains avec des équipes d’observateurs de part et d’autre de la Manche, en France et au Royaume-Uni dans l’objectif de "renforcer la compréhension commune entre les deux pays" et "d’accroître les échanges d’informations". La France et le Royaume-Uni veulent également collecter et utiliser des renseignements auprès des migrants interceptés.
Les deux pays se sont aussi mis d’accord pour plus de moyens techniques : des drones et l’installation de caméras de surveillance aux principaux points de passage. La création de centres d’accueil pour migrants est également prévue dans le sud de la France dans le but de dissuader les personnes qui arrivent par la Méditerranée d’aller jusqu’à Calais.
L’exécutif français veut ainsi s'attaquer à toutes les formes d’immigration clandestine. L'enjeu est de taille. Le nombre de tentatives de traversée de la Manche a franchi un record en 2022 avec 40.000 tentatives depuis janvier sur des "small boats", des embarcations de fortune. La France et le Royaume-Uni semblent d'ailleurs conscients que le défi est immense puisqu’aucun objectif chiffré n’est avancé pour l’instant dans l’accord.
Pour les associations, le combat est de toute façon perdu d’avance. "Ça ne changera rien", affirme d'emblée Yann Manzi, le directeur général d’Utopia 56, association qui vient en aide aux personnes exilées. Selon lui, "on ne peut pas sécuriser 120 kilomètres de côtes. Il faudrait un policier tous les trois mètres. On voit bien que la police est débordée. On n'empêchera pas les gens d'envisager une vie meilleure ni les mafias de trouver des systèmes parallèles. C'est encore des moyens pour la sécurité alors qu'il faudrait ouvrir des voies sûres et légales".
Constat partagé par la chercheuse Camille Le Coz. "La gestion des migrations nécessite une approche globale et là on voit que c'est un accord unicolore qui s'intéresse seulement aux mesures sécuritaires. Il n'y a rien de concret sur l'accès à des voies légales, la coopération avec les pays d'origine où transitent des migrants", explique cette analyste du groupe de réflexion Migration Policy Institute.
La question migratoire est depuis plusieurs années un point de crispation entre les deux pays, plus encore ces derniers mois où au pouvoir britannique se sont succédés Boris Johnson et très rapidement Liz Truss. Avec le nouveau premier ministre Rishi Sunak, le dialogue semble donc avoir repris. "Depuis le Brexit, les relations sont plutôt mauvaises. Là, ça marque un apaisement et un dialogue qui est important sur ces questions. Un pays seul ne peut pas gérer les migrations", analyse Camille Le Coz.
Gérald Darmanin semble, lui, rester vigilant. Le ministre de l’Intérieur a affirmé dans les pages de La Voix du Nord que "les Britanniques doivent changer" et se montrer moins attractifs notamment sur les règles de leur marché du travail puisque l'on peut travailler sans papier au Royaume-Uni.
"On ne peut pas dire que ce soit un dénouement, commente quant à lui Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po et spécialiste des questions européennes. C'est un des éléments qui vise à répondre à la demande du Royaume-Uni. C'est une polémique qui va rebondir car il y a de plus en plus de migrants qui veulent continuer à aller en Angleterre. Tout dépendra si cet accord est mis en œuvre rapidement."
Cet accord intervient un an après le naufrage de 27 migrants dans la Manche, le plus meurtrier qu’ait connu cette mer. Une enquête vient d’être publiée par le journal Le Monde. Récit glaçant de cette nuit qui révèle l’inaction des secours qui ont été alertés par les migrants depuis leur bateau. Les secours auraient attendu que celui-ci soit dans les eaux anglaises pour que les Britanniques interviennent, ce qu’ils n’ont pas fait.
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