Rouen
Le 25 septembre, c'est la Journée mondiale du migrant et du réfugié instituée par l'Église catholique. Le message lancé est fort : c'est dans la relation à l'autre que l'on se construit et les personnes exilées vivant dans notre pays nous aident donc à nous construire. C'est la conviction de celles et ceux qui, au sein des églises chrétiennes, travaillent à l'accueil et l'accompagnement des personnes migrantes. Un point de vue loin d'être partagé par tout le monde mais que seule la rencontre peut faire essaimer.
Ce dimanche 25 septembre, comme chaque dernier dimanche de septembre depuis 1914, l'Église catholique célèbre dans le monde entier la Journée Mondiale du migrant et du réfugié. Cette année elle a pour thème "Construire l’avenir avec les migrants et les réfugiés".
Pour Marcela Villalobos-Cid, du service Missions et migrations de l'Église catholique de France, "c'est évident que la construction d'un avenir qui nous est commun passe par l'accueil de personnes qui viennent d'ailleurs, comme cela se fait depuis longtemps en France ou ailleurs". Pour elle, "la présence de personnes venue d'ailleurs apporte de la richesse culturelle, économique, sociale. Et il ne faut pas oublier qu'on se construit grâce à l'autre. L'autre qui vient d'ailleurs révèle quelque chose de très profond de nous". Un point de vue partagé par Isabelle Richard, présidente de la Fédération d'entraide protestante (FEP) : "Je suis intimement convaincue qu'on se construit dans la relation. On a besoin de l'autre."
Isabelle Richard convie la Bible pour conforter son propos : "Dans la Bible, la référence à l'étranger et à ce qu'il représente pour chacun est absolument omniprésente. Dans l'Ancien Testament, on appelle en permanence le peuple d'Israël à accueillir, à se rappeler que lui-même a été étranger en Égypte et qu'il doit toujours ouvrir la porte et considérer l'étranger comme lui-même."
Jésus lui-même se présente parfois comme un étranger. "Et que chaque fois qu'on a accueilli un étranger chez nous, qu'on l'a nourri, c'est à lui-même qu'on l'a fait. Cette référence à l'étranger est omniprésente parce qu'elle nous rappelle que nous nous construisons grâce à l'autre, notre frère et au Tout Autre, Dieu. Ce n'est que par ce biais là que nous pouvons nous construire et nous réaliser nous-mêmes."
Mais comment cela se vit-il lorsqu'on est l'étranger arrivant sur une terre d'accueil ? C'est l'histoire d'Emmanuel Abikunze, demandeur d'asile rwandais, arrivé en France en décembre 2019. Après avoir vécu dans la rue pendant trois semaines, il a été accueilli successivement par neuf familles et communautés, au sein du programme Welcome de l'association JRS France à Lyon.
Est-ce si facile que cela d'entrer en relation avec les autres, surtout quand on ne parle pas leur langue ? "Au début je me disais : je ne sais pas si ça va être facile pour moi. Mais c'est mieux que de rester dehors dans le froid. Je me disais que cela n'allait pas être facile de m'adapter à 9 familles. Mon accompagnatrice m'a dit : ne t'inquiète pas, toutes les familles qu'on a choisies sont gentilles." Emmanuel a d'abord été accueilli dans une communauté religieuse, dont l'un des frères était allé au Rwanda, avant que lui, Emmanuel, soit né. Il lui a appris des choses sur son propre pays. Puis, dans une autre famille, "il y avait des guitares, des batteries" dit-il dans un grand sourire. Il a pu partager la musique et le chant. "Dans chaque famille on a partagé des choses : des sorties, des balades, on a fait du canoë, on a passé des bons moments ensemble." Pour Emmanuel, ce ne sont que des bons souvenirs et des liens qui persistent maintenant qu'il vit dans un foyer d'étudiant.
Ce qui rend la rencontre possible, c'est la richesse des différences à partager, mais c'est surtout une expérience humaines finalement plus commune que ce que l'on pourrait penser de prime abord : "dans toute existence, il y a des moments de rupture, de deuil, de renoncement et on est appelés à se questionner dans ces moments-là pour savoir qu'est-ce qui va nous remettre debout, affirme Isabelle Richard. On est tous traversé par cela à un moment où l'autre et les personnes qui sont obligées de tout quitter du jour au lendemain vivent cela de manière particulièrement brutale et radicale".
Pourtant tout le monde ne partage pas la conviction que la présence de personnes étrangères est une chance : nombre de nos concitoyens ont peur de cette présence, peur qu’elle les prive de quelque chose. Peur que le gâteau de la richesse à partager ne soit pas assez gros pour tous et toutes. Peur que la différence empêche de se comprendre. Peur d’être envahie. Alors comment à la fois entendre ces peurs et contribuer à ce qu'elles puissent se convertir petit à petit en la conviction que l’accueil est possible et qu’il peut même être un facteur positif pour tous et toutes ?
"Je crois qu'il est normal d'avoir peur de l'inconnu, répond Marcela Villalobos-Cid. Et c'est pour ça que c'est important d'aller à la rencontre de l'autre, de sortir de notre centre, de nos certitudes, de sortir de tout ce que les médias véhiculent à propos de la migration. La rencontre réelle avec des hommes et des femmes va nous permettre de voir que derrière tout ce que nous entendons il y a des hommes et des femmes comme nous. Plus nous passons du temps avec les gens, plus nous allons voir que nous avons des choses en commun et ça va aider à défaire nos clichés, nos préjugés, nos certitudes. Cette culture de la rencontre est un appel à construire une société de plus en plus hospitalière, fraternelle, sororale, une société où chaque personne puisse avoir une place digne."
Même conviction chez Isabelle Richard : "La rencontre est à la base de tout ce qui permet de désamorcer ces peurs. Et la rencontre se joue à tous les niveaux : dans les familles, à la maison quand on peut ouvrir sa porte, à l'école quand dans leur classe il y a des enfants qui viennent d'ailleurs, dans nos églises. Et aussi dans le monde de l'entreprise : de plus en plus, on se rend compte que les étrangers sont là et ils apportent leur savoir-faire, leur culture et toutes leurs compétences qualités humaines et nous devons leur être reconnaissants parce qu'il y a tellement de choses qui ne fonctionneraient pas sans toutes ces personnes."
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