A Paris, la fréquentation des pistes cyclables explose, et le vélo remplace petit à petit la voiture. Théo Moy, revient sur cette petite révolution, alors que la voiture a longtemps été présentée comme l’horizon indépassable de nos déplacements.
Entre octobre 2022 et octobre 2023, la fréquentation des pistes cyclables parisiennes a doublé. Sur les axes très fréquentés, on compte à certaines heures plus de vélos que de voitures. Ces chiffres sont vraiment loin d’être anodins. C’est même historique : après l’apogée de la bagnole, le vélo grignote désormais sur son terrain. C’est un désaveu majeur pour ceux qui pensaient que le phénomène automobile était irréversible.
Un livre récemment publié, La bataille du vélo, revient sur cette histoire. Son auteur, Joseph d’Halluin, nous plonge dans la mécanique complexe des systèmes de transport. La voiture, comme le vélo, sont en effet bien plus qu’un moyen de se déplacer.
La voiture façonne le monde
Prenons la voiture. Elle ne vient pas seule, elle apporte, avec elle, tout un système, elle façonne le monde. Elle augmente la distance entre le lieu de vie et le lieu du travail ; elle est coûteuse, donc inégalitaire ; elle bouleverse l’esthétique et l’organisation des villes.
Avant la voiture, un jeune enfant pouvait jouer dehors, aller faire des courses à pieds. Avec le système automobile, son autonomie a largement régressé. D’ailleurs, Joseph d’Halluin raconte qu’aux Etats-Unis, dans les années 60, la construction de nouvelles routes était bloquée par des mères de famille, qui s’inquiétaient du danger pour leurs enfants.
Le déplacement automobile a été érigé en besoin, en désir, en liberté, donc en un phénomène irréversible
Malgré ces oppositions, le déplacement automobile a été érigé en besoin, en désir, en liberté, donc en un phénomène irréversible. Une conviction qui s’appuyait sur une forme d’évolutionnisme technologique, l’idée qu’une innovation nouvelle doit nécessairement remplacer ce qui existe déjà.
L’usage du vélo progresse car prendre son vélo apparait aujourd’hui comme un choix rationnel. Le bilan de l’automobile est désormais connu : elle pollue, son bruit dérange, elle détruit les cœurs de ville au profit de centres commerciaux et tue par dizaines de milliers.
Comme les gilets jaunes l’ont bien compris, le système automobile est en crise. Les fins de mois devenant de plus en plus difficiles, il apparait que la voiture est atrocement inégalitaire, et que sa charge étrangle les classes moyennes.
Le vélo est une partie de la solution. On connait ses avantages : sobriété énergétique, bonne santé du cycliste, discrétion dans l’espace public. Mais au-delà de ces arguments, il remet une dimension humaine et concrète dans nos déplacements.
Il nous rappelle ce qui est proche et ce qui est loin. Il nous permet de nous rendre compte que la boulangerie à laquelle on allait chercher le pain n'est pas si loin. Que 4km en vélo ce n’est pas beaucoup, surtout sur une piste protégée. Que Montrouge, où est installé ce studio, est bien un mont, mais qu’au bout de quelques semaines d’aller-retour, la montée est moins raide.
Comme dans les grandes villes, les administrations peuvent créer partout des voies cyclables, protégées du trafic, ou encourager l’achat d’un vélo. Un bel objectif politique serait que plus aucun trajet de moins de 3km ne soit réalisé en voiture.
A horizon plus lointain, il faut casser la dynamique automobile, qui éloigne les lieux de nos vies. Reconstruire des centres-bourgs, parier sur le local et l’ultra-local, qui ne sont pas des régressions. Et bien sûr, développer l’offre de transport en communs, qui complète le système vélo.
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