Alors que le réseau de transport d'électricité (RTE) alerte sur de potentielles coupures de courant dès le mois de janvier, le gouvernement se veut rassurant. Mais les origines de cette tension sur l'approvisionnement électrique sont anciennes. Le manque d'investissement en matière d'énergie ces dernières années est pointé du doigt par des experts.
Alors que les coupures de courant inquiètent les Français, le gouvernement répète qu'il ne faut pas paniquer et que l'on peut encore les éviter. Emmanuel Macron demande même de mettre fin aux "scénarios de la peur". Pourtant, le thermomètre baisse et le gestionnaire du réseau électrique RTE alerte bel et bien sur un risque de coupures d’électricité dès janvier.
Le réseau de transport d’électricité (RTE) a présenté différents scénarios pour l’hiver, du plus optimiste au plus alarmiste, qui dépendront de la météo. La consommation électrique de la France augmentera si l’hiver est particulièrement froid, et d’autant plus s’il n’y a pas de vent car forcément les éoliennes seront à l’arrêt. RTE lève les inquiétudes pour le mois de décembre, l’incertitude pèse surtout sur le mois de janvier. Il n’exclut donc pas des délestages, des coupures d’électricité, jusqu'à 6 cet hiver.
Des coupures pourraient donc avoir lieu aux heures de fortes consommation : entre 8 h et 13 h et entre 18 h et 20 h. Et dans des zones définies : RTE promet qu’une zone n’aura pas l’électricité coupée plus de deux heures d’affilée. Mais toute la France ne sera pas concernée. D’abord, la Corse est épargnée car elle n’est pas reliée au réseau électrique continental. Puis, certaines zones dites rouges seront épargnées, celles avec des hôpitaux ou des lieux stratégiques de l’Etat.
Ce qui explique cette importante tension, c'est que la France a d'importantes difficultés pour produire de l’électricité avec la fermeture de centrales au charbon, même si l’Etat vient de rouvrir celle de Saint-Avold en Moselle pour éviter les pénuries. Le parc nucléaire est aussi en difficulté : 20 réacteurs sur 56 sont à l’arrêt en France avec du retard pris par EDF dans les travaux.
"Le nucléaire ne produit pas assez car une grande partie des réacteurs sont en maintenance pour pouvoir être prolongés. On a aussi découvert des défauts de corrosion sur certains réacteurs, ce qui a plombé la production de nucléaire de cette année. Il faut tirer les leçons de cet épisode. Pendant 20 ans, on n'a pas assez investi sur la production d’électricité", détaille Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus Consulting.
Ce manque d’investissement a aussi été pointé par Yves Bréchet devant des parlementaires. L’ancien haut-commissaire à l’énergie atomique était entendu la semaine dernière par la commission d’enquête sur la souveraineté et l’indépendance énergétique. Il a alerté sur la "faiblesse des analyses" qui ont mené aux décisions de l’Etat en matière d’énergie.
Depuis ces annonces de potentielles coupures de courant, des députés de l’opposition accusent le gouvernement. Chacun se renvoie la balle, en particulier sur la fermeture de la centrale de Fessenheim, décision prise sous François Hollande, appliquée sous Emmanuel Macron. L’expert Nicolas Goldberg affirme en tout cas que ça n’aurait pas changé les choses aujourd’hui. Fessenheim représente 1,8 gigawatt. Il en manque 24 à la France aujourd’hui.
Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique l’affirmait encore mardi à l’Assemblée nationale : le problème est, selon l'exécutif, européen et non seulement français. "L'augmentation très forte du prix de l’électricité est largement imputable à la guerre en Ukraine. En revanche, les risques de ruptures n’ont rien à voir avec la guerre en Ukraine. C'est dû au fait qu’on n’a pas assez investi dans les capacités” , réagit Jacques Percebois, économiste de l’énergie et professeur émérite à l’université de Montpellier.
Certains élus demandent déjà à ce que la France sorte du marché européen, comme Jordan Bardella, député Rassemblement national. "Ce n'est pas réaliste et cela ne changerait rien aujourd'hui, insiste Jacques Percebois. Par contre tout le monde s’accorde à dire qu’il faut le réformer. Il faut revoir le système pour ne pas trop dépendre du prix du gaz si les prix s’envolent." Le gaz représente environ 12 % du mix énergétique quand le nucléaire représente près de 70 %.
Cette tension ne devrait pas s’arranger tout de suite puisqu’il faut du temps pour que les réacteurs à l’arrêt se remettent en route et car les stocks de gaz risquent de s’épuiser pour l’hiver prochain. "Dans l’urgence, de nouveaux EPR, ça ne sera pas la solution puisqu’ils arriveront en 2035. À court terme, les leviers sont limités. On peut jouer sur la demande avec la sobriété. On peut aussi arriver à débloquer certains projets renouvelables qui sont bloqués dans des files d’attente", avance Nicolas Goldberg.
Pour les prochaines semaines, le gouvernement encourage donc entreprises et particuliers à faire des efforts, notamment si le signal EcoWatt vire à l'orange ou au rouge. À travers l’adoption d’éco-gestes comme baisser le chauffage ou décaler des lessives. "À certains moments de tension, le chauffage c’est deux tiers de la consommation électrique. On peut vraiment jouer dessus", affirme Nicolas Goldberg.
RTE qui procèdera vendredi, avec Enedis, à une simulation nationale des coupures de courant, pour s’assurer de la bonne organisation des équipes. Tout cela dans un contexte social tendu chez RTE. Avant-hier, les syndicats ont appelé à la grève pour demander une augmentation des salaires afin de faire face à l’inflation.
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