Le maire de Nice, Christian Estrosi, témoigne lors du procès de l'attentat du 14 juillet 2016, survenu à Nice sur la Promenade des Anglais.
Dans la salle de retransmission du Palais Acropolis à Nice, il y a bien plus de parties civiles que d'habitude. L'intérêt pour la parole locale est là aussi dans le public niçois, plus nombreux qu'habituellement. Christian Estrosi s'avance pour sa déposition devant la cour d'assise. Quelques notes sur le pupitre. "Ce niveau d'horreur absolu, je ne l'avais jamais connu et depuis nous nous sommes posés des milliers de questions, Philippe Pradal (maire à l'époque) et moi sur la manière dont nous devions aborder chaque victime, comment préparer l'avenir" dit l'actuel maire de Nice qui était 1er adjoint au maire de Nice en charge de la sécurité au moment des faits.
Christian Estrosi raconte à la cour son 14 juillet 2016, "emporté par la foule" qui fuyait, puis son passage en mairie, dans le sous-sol pour comprendre ce qu'il se passe. Impossible de se rendre sur la Promenade alors qu'il aperçoit le camion arrêté. Il ne peut accéder aux lieux le temps de la levée de doute sur d'éventuels explosifs alors direction le centre de supervision urbain pour le maire qui retourne ensuite sur place. "Une étendue à perte de vue de cadavres" explique t-il alors qu'il demande "de toute vitesse des brises-vue". 00h15: le Président de la République l'appelle: "Christian, je te confirme qu'il s'agit bien d'un attentat terroriste". L'après-midi du vendredi 15 juillet 2016, le Pape François contacte Christian Estrosi. "Que puis-je faire pour vous ?" dit François. "Saint-Père, pouvez vous recevoir les victimes à titre privé qui seraient heureuses de recevoir un message d'espérance de votre part ?" Le 21 septembre suivant "nous nous y rendions" explique Christian Estrosi.
1836 caméras ne peuvent être visualisées en même temps sur 30 écrans
Passé ce rappel, la question de la sécurité va prendre toute la place. Sur la police municipale, Christian Estrosi rappelle qu'en 2008 il y a eu "des recrutements, l'installation de caméras" qui se poursuivent régulièrement. Il donne les éléments de sécurité: "4000 caméras aujourd'hui à Nice". Moins en 2016 (1836) mais 30 écrans pour les visualiser. Lors des grands évènements, Christian Estrosi détaille que "le CSU (centre de supervision urbain) accueille un officier de la police nationale" notamment "pendant la Prom Party et le feu d'artifice". Mais "1836 caméras ne peuvent être visualisées en même temps sur 30 écrans" car ce sont plus de 44 000 heures d'enregistrements explique Christian Estrosi.
"Les passages du terroriste sur la Promenade des Anglais ont été identifiés comme repérage qu'après" l'attentat dit-il et précise que cela "ne pouvait être détecté par l'œil humain". Le maire actuel va alors défendre les algorithmes, l'intelligence artificielle, qui identifient des comportements et dont Bernard Cazeneuve a parlé il y a 10 jours. Un dispositif pour l'instant interdit regrette Christian Estrosi. Nice souhaite la mise en place de ce moyen et la ville a déjà organisé une conférence de presse pour prouver l'efficacité de ce système l'été dernier et plaider en sa faveur. Il va le faire à maintes reprises durant les questions des avocats de parties civiles. Maître Le Roy va poser des questions plusieurs heures.
"Imaginez que nous ayons la reconnaissance faciale, LAPI (lecture de plaques d'immatriculation)", relance le maire de Nice, "effectivement si vous avez ce véhicule qui passe 10 fois, vous avez à un moment un voyant rouge qui s'allume et qui vous demande de regarder ce qu'il se passe". L'avocate de Promenade des Anges, Maître Le Roy demande des détails sur le centre de supervision urbain et sur le dispositif le soir du 14 juillet 2016. "S'agissant de l'organisation de ce CSU, les lieux sensibles étaient en permanence sur le mur et la Promenade des Anglais en fait partie ? en permanence en affichage ?" "Oui ce sont les lieux les plus sensibles en permanence affichés" explique le maire de Nice mais cela change et cela peut être "les écoles au moment de l'entrée et de la sortie" des élèves.
"La Promenade des Anglais figure en permanence parmi les écrans sur le mur sur les principaux carrefours, accès ouest et angle de l'avenue de Verdun" explique Christian Estrosi à Maître Le Roy qui rappelle aussi que le "comportement du camion n'est pas une infraction pour un homme qui est livreur de métier". "On voit bien qu'il s'agit d'un acte prémédité" dit l'actuel maire de Nice qui estime que "ce barbare, de toute évidence, était dans une détermination absolue". "Je défends mes agents et je refuse qu'ils puissent être incriminés parce qu'ils n'ont pas vu" dit Christian Estrosi. "Ça a le mérite d'être clair" dit Maître Le Roy.
Laurent Raviot, président de la cour, se questionne sur les 40 minutes de vidéo qui ont manqué à Fabron et les images du 11 juillet sur le quai des Etats-Unis. Des moments de l'itinéraire du terroriste: "les caméras fonctionnent à 360 degrés" explique Christian Estrosi sur ce contenu "pas à disposition".
On ne gagnera jamais la guerre contre eux avec les armes de la paix
"Il n'a jamais été demandé à la ville de Nice d'utiliser des glissières en béton autour de l'Euro 2016 contrairement a ce qui a été annoncé a de nombreuses reprises" dit Christian Estrosi. Question du président Laurent Raviot à ce propos: est-ce que vous ne pensez pas qu'il a pu manquer quelque chose dans la vigilance des pouvoirs publics ? Le maire de Nice a apporté des photos de l'organisation de l'Euro 2016. Elles sont diffusées. On y observe une fan zone installée pour l'occasion sur la Promenade des Anglais et dans le jardin Albert 1er et la place Masséna avec des barrières mais aucun bloc de béton visible.
"Comment se fait-il que le risque du camion n'a pas été envisagé en amont ?" demande Laurent Raviot. Réponse de Christian Estrosi: "nous sommes sur une artère à grande circulation, elle est une voie de dérivation de l'autoroute de contournement. Il est décidé de faire le périmètre ouvert à partir de Gambetta (400m du lieu du tir du feu d'artifice) jusqu'à la place du 8 mai. Deux points ou la circulation est si dense que personne ne peut emprunter la voie".
"En tant qu'homme est-ce que vous vous sentez une part de responsabilité ?" demande une avocate. "J'aurais voulu porter secours à plus de monde". Elle relance. Réponse: "Je ne me sens pas responsable de l'Etat Islamique".
"Est-ce si difficile de demander pardon ?" demande un autre avocat. "Je n'ai pas à demander pardon en lieu et place de l'Etat" dit Christian Estrosi qui rajoute "pardon chers niçois de ne pas avoir réussi sur l'intelligence artificielle" et demande aussi pardon de ne pas avoir été entendu sur le doublement de la police municipale. Sur ce que "la réglementation ne permet pas", maître Fabien Rajon relance à propos notamment de l'anticipation. "On ne gagnera jamais la guerre contre eux avec les armes de la paix" dit le maire de Nice.
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