C’est un procès hors norme qui s’ouvre ce mercredi 8 septembre : celui des attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 130 morts, 350 blessés et laissé un pays profondément traumatisé. Qu'attendent les victimes ? Quelle est la portée symbolique de ce procès ? Qui sont les accusés ? Voici un résumé des principaux éléments.
C’est un moment attendu par une grande partie des victimes : un procès qu’on décrit déjà comme historique. Après quatre années d’enquête, le dossier d’instruction est constitué d’un million de pages. 542 tomes sont remplis de 45.000 procès-verbaux, de comptes-rendus des enquêtes de police, d’auditions de témoins et d’accusés, de rapports d’expertise et d’analyses scientifiques. Et le dispositif pour ce procès est exceptionnel.
Ce procès, c'est aussi une nouvelle page qui s’ouvre pour les victimes physiques ou psychologiques de ces attentats, pour leurs proches mais aussi pour les familles endeuillées. Car c’est évidemment le point d’orgue de six années d’enquête, un temps qui permettra peut-être de comprendre comment et pourquoi tout ceci a pu arriver. Mais les 1.800 parties civiles ne réagissent pas tous de la même manière. Certains veulent suivre avec attention le procès ; d’autres, au contraire, ne veulent pas en entendre parler. Entre impatience et appréhension, Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan, se prépare. "D'une minute à l'autre je ne me sens pas pareil... j'oscille entre l'appréhension, une forme d'excitation..."
1.800 parties civiles, 300 avocats, un dossier d’instruction constitué d’un million de pages. Pour accueillir tout ce monde, des travaux ont été réalisés au palais de justice de Paris pour un montant de sept milliards et demi d’euros. Une salle d’audience a été créée à l’intérieur de l’ancienne salle des pas perdus.
Ce procès s’annonce aussi comme une nouvelle étape à la fois dans la mémoire individuelle et collective des attentats. Une question à laquelle s’intéresse l’historien Denis Peschanski, avec le neuropsychologue Francis Eustache, dans le cadre de leur programme de recherche, qui suit l’évolution de la mémoire des attentats du 13 novembre. Denis Peschanski tient à rappeler que ce procès n’est pas celui des attentats mais bien celui d'individus, dont le but est de montrer que la démocratie triomphe sur le totalitarisme. Mais l’historien s’inquiète d’une concurrence mémorielle à l’occasion de ce procès. Car d’autres faits pourraient au cours des prochains mois marquer notre esprit. Notamment la pandémie de Covid-19. Ou bien l’élection présidentielle de 2022.
Dans le box des accusés, 20 personnes. Parmi eux, Salah Abdeslam. Son frère s'est fait exploser au Café Voltaire, tandis que sa ceinture à lui, retrouvée dans une poubelle à Montrouge, n’a pas été déclenchée pour une raison inconnue. Il y a aussi Mohamed Abrin, jugé pour avoir accompagné en région parisienne les commandos du 13-Novembre et participé à leur financement et à la fourniture de leurs armes. Il est aussi celui qu’on a appelé l’homme au chapeau lors des attentats de Bruxelles.
À leurs côtés, Sofien Ayari et Osama Krayen, deux djihadistes formés en Syrie, suspectés d’avoir notamment participé aux préparatifs des attentats. Le Pakistanais Muhammad Usman et l’Algérien Adel Addadi, tous deux arrêtés dans un centre pour migrants en Autriche, on se demande s’ils ne constituaient pas un commando supplémentaire. Un autre groupe d’accusés est constitué des amis de Salah Abdeslam qu’il a contacté une fois arrivé à Châtillon pour l’aider à revenir à Bruxelles et de cinq logisticiens présumés.
Ahmed Dahmani va être, quant à lui, jugé en son absence : il a fui en Belgique dans les heures qui ont suivi les attentats, il est emprisonné en Turquie après avoir été arrêté alors qu’il cherchait à rejoindre la Syrie. Six accusés font l’objet de mandats d’arrêt et ne seront vraisemblablement pas présents au procès. Il s’agit de complices, commanditaires ou artificiers présumés de ces attaques. Certains sont même très probablement morts en zone irako-syrienne.
Les accusés encourent des peines allant de six ans de prison jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité. Le principal accusé, Salah Abdeslam, comparaît pour meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste. Il encourt pour cela la peine maximale. La cour est essentiellement composée de magistrats professionnels comme, c’est toujours le cas dans les affaires de terrorisme.
Du côté des victimes, on attend sans attendre ce procès. Arthur Dénouveaux, le président de Life for Paris, une association qui s’est créée en décembre 2015 qui regroupe des victimes et familles de victimes? dit attendre une justice juste…
Comme pour le procès des attentats de janvier 2015, l’audience sera intégralement filmée pour les archives nationales. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont poussé François Hollande à accepter de témoigner au cours du procès comme le demandait l’association Life for Paris. L’ancien chef de l’État souhaite pouvoir répondre à toutes les questions qui peuvent se poser. Il témoignera le 10 novembre prochain.
La diffusion des images est en principe interdite pendant 50 ans, sauf si le tribunal judiciaire de Paris donne avant son autorisation. Et, c'est une première, le procès sera également retransmis via une webradio, qui ne sera accessible qu’aux parties civiles, via un code d’accès personnel. Les victimes qui ne pourront ou ne voudront être présentes physiquement auront donc la possibilité de suivre l’audience à distance. À noter aussi qu’une aide psychologique sera proposée à toutes les parties civiles qui le souhaiteront auprès du tribunal.
Chaque matin à 7h10, les journalistes de RCF décryptent un sujet d'actualité en profondeur, dans la Matinale RCF.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !