Figure de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Étienne, a lui-même été victime d’abus. Interrogé par Étienne Pépin, il réagit aux critiques de l’Académie catholique à l'égard de la Ciase et de la CEF. Selon lui la dimension systémique des abus dans l'Église est au cœur du travail de la Ciase et sa reconnaissance par les évêques lui a "donné confiance".
Figure de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Étienne, a lui-même été victime d’abus. S’il a tenu des propos très forts et même assez virulents vis-à-vis des évêques lors de leur dernière assemblée plénière, il salue aujourd’hui leur démarche. À l’issue de cette assemblée à Lourdes, la Conférence des évêques de France a déclaré reconnaître "la responsabilité institutionnelle" de l’Église et la dimension systémique des abus.
Face aux violentes critiques de l’Académie catholique, la CEF n’a pas dérogé à sa déclaration. Ce que salue Jean-Luc Souveton. Pour lui, cette "dimension systémique" représente en effet "l’essentiel du travail de la commission Sauvé". Et de voir le président de la CEF rappeler sa reconnaissance par les évêques de France lui a "donné confiance".
Dans le rapport Sauvé on peut lire que 330.000 personnes mineures ont été victimes d’abus sexuels commis par des prêtres ou des laïcs en mission d’Église depuis 1950. Un chiffre qu’a remis en cause le texte de l’Académie catholique. Interrogé par Pauline de Torsiac le 30 novembre dernier, son président d’honneur Philippe Capelle-Dumont, a déclaré que le traitement des chiffres fait par la Ciase "remet en cause" le caractère "systémique" des abus sexuels dans l’Église.
Or, "la question du chiffre n’est pas en elle-même la clé de voûte de la dimension systémique", souligne Jean-Luc Souveton. "Cette dimension systémique des abus, n’importe qui, qui prend le temps d’écouter les victimes, qui prend le temps d’entrer dans les récits des victimes, dans la manière dont les choses se sont passées, comment elles ont pu se poursuivre pendant aussi longtemps, ne peut que reconnaître qu’il y a cette dimension-là, quel que soit le nombre de victimes et quelle que soit la fourchette dans laquelle on va situer le nombre de victimes possibles."
Longuement expliquée par Jean-Marc Sauvé et les membres de la Ciase, la démarche de la commission indépendante a été dès le début de ses travaux de partir de l’écoute des victimes et de mettre leur témoignage au centre de leur réflexion. Son positionnement invite à entrer chacun soi-même dans une démarche. "Il y a vraiment quelque chose dans lequel il faut commencer par entrer pour pouvoir réellement apporter des critiques, qui soient des critiques constructives", rappelle Jean-Luc Souveton.
En formulant des préconisations, la Ciase aurait "dépassé largement son mandat", selon Pierre Manent, l’un des auteurs du texte de l’Académie catholique. Jean-Luc Souveton défend au contraire le sérieux de ces préconisations. Pour le prêtre de Saint-Étienne, "ce ne sont pas des préconisations qui tombent comme ça, sans avoir de solides appuis, à partir des recherches, à partir de l’écoute des victimes". "Je crois qu’il faut vraiment prendre au sérieux les conclusions de la Ciase, son rapport, ce sont le fruit d’un travail qui est long, qui est un véritable travail de recherche."
Notons qu'en réponse à Pierre Manent, l’un des sociologues sollicités par la Ciase, Josselin Tricou, a rappelé, le 13 décembre dernier sur son compte Facebook que ce sont bien la CEF et la Corref, les deux instances à l’origine de la commission, qui ont demandé à la Ciase de formuler des préconisations. Le président de la CEF avait d'ailleurs déclaré prendre "au sérieux" les conclusions de la Ciase, dans une tribune publiée par le quotidien La Croix.
"Certains contradicteurs" du rapport de la Ciase s’en tiennent à "des principes qui précèdent toute réflexion", regrette Jean-Luc Souveton. Notamment celui qui voudrait que "l’Église pourrait ne pas avoir besoin d’apports extérieurs à ses seuls apports pour pouvoir réfléchir ce qui est en train de se passer, ce qui est en train de se vivre, ce qu’il faudrait promouvoir pour l’avenir".
"Si le système est coupable, cela veut dire que la réforme du système ne peut pas venir de l’organisation elle-même", selon Pierre Manent. Ce à quoi le sociologue Josselin Tricou a répondu via Facebook : "Ce sont les évêques eux-mêmes qui ont demandé la création de la Ciase, comme étape d’un processus de réforme plus large déjà engagé… et même si on considère qu'ils l’ont fait sous la pression de victimes et de collectifs catholiques, c’est donc bien toujours l’organisation (ici prise au sens large) qui cherche à se réformer".
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