Il y aura un avant et un après le rapport Sauvé. Depuis sa parution, les promesses de l'Église semblent à la hauteur des attentes et de l'ampleur des chiffres révélés. Mais un important travail reste à faire et notamment celui, long et délicat, de l'écoute et de l'accompagnement des victimes. Aujourd'hui, un "défi considérable" attend l'Église.
Un mois après la publication du rapport Sauvé, RCF lance une série d’émissions spéciales mensuelles sur le thème : "Rapport Sauvé : construire l’Église d’après". Avec pour objectif de nourrir la réflexion qui permettra de construire l’Église de demain.
Ce mardi 23 novembre, Étienne Pépin et Véronique Alzieu reçoivent le prêtre jésuite Pierre de Charentenay, auteur de "Tolérance zéro - Lutter contre la pédophilie dans l’Église" (éd. Salvator) ; Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Étienne, qui a participé à la rédaction du livre "Abusés - Des victimes de prêtres témoignent" (éd. Temps présent) ; Stéphane Joulain, prêtre de la Société des missionnaires d’Afrique (SMA) et psychothérapeute, il a codirigé la rédaction de l’ouvrage "L’Église déchirée - Comprendre et traverser la crise des agressions sexuelles sur mineurs" (éd. Bayard) ; Isabelle Chartier-Siben, médecin, psychothérapeute et victimologue, fondatrice et présidente de l’association C’est-à-dire, qui vient en aide aux victime d’abus physiques, psychiques et spirituels ; Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix et auteure du livre "Histoire d'un silence" (éd. Seuil, 2016).
Il y aura un avant et un après le rapport Sauvé. Désormais, un processus est lancé, celui de la reconnaissance, et, peut-être, de la restauration des personnes brisées par les abus sexuels commis par un prêtre ou un laïc en mission d’Église. Du côté des évêques, via la Conférence des évêques de France (CEF) et des responsables de congrégations religieuses, via la Corref, des annonces ont été faites : comme la création de commissions indépendantes et de fonds d'indemnisation. Des promesses qui sont "à la hauteur", estime Pierre de Charentenay, des attentes et de l'ampleur des révélations.
Désormais le travail de réparation peut donc commencer pour les victimes. Du côté de la Corref, la commission est déjà en place, les victimes d’abus de la part de religieux peuvent écrire à l’adresse : ecoutevictimes@corref.fr. Pour la Conférence des évêques de France (CEF), l’annonce a été faite que tout pourrait démarrer à partir de janvier. Jean-Luc Souveton, qui avait critiqué sévèrement les évêques lors de leur assemblée plénière à Lourdes, où il avait été invité à témoigné, "salue ce qui a été mis en route".
Le chantier qui s’ouvre maintenant est "considérable" estime Pierre de Charentenay, puisqu’il y a "des milliers de victimes". Et pour que ce travail réussisse, il faudra d’abord communiquer très clairement. "Quand on est journaliste sur ce sujet on reçoit beaucoup de courriers de gens qui ne savent pas à qui s’adresser, explique Isabelle de Gaulmyn, il faut que le message soit simple, que l’accueil soit immédiat."
Les membres de la Ciase avaient déploré un manque de communication à son lancement et un manque de relais dans les paroisses de l’appel à témoignages lancé par la commission. Depuis la publication du rapport certaines personnes se sont exprimées et ont affirmé ne pas avoir eu connaissance de cet appel. Si bien que les commissions lancées par la CEF et la Corref doivent s’attendre à recevoir une "nouvelle catégorie de personnes", comme les décrit Stéphane Joulain, des victimes qui n’ont encore jamais témoigné.
Lors de la remise du rapport Sauvé, le 5 octobre, on a parlé d’un jour historique pour l’Église et pour les victimes. Beaucoup d’entre elles en effet, se sont senties apaisées et enfin reconnues, note Stéphane Joulain. Même si certaines se sentent encore sur la réserve. Pour Isabelle de Gaulmyn, il va falloir que les victimes "ne restent pas victimes, qu’elles soient partie prenante du processus en cours de réforme de l’Église". Être acteur, pouvoir participer à la vie de l’Église c’est aussi "une manière de retrouver toute sa place au sein de l’Église, de ne pas être limité à expérience de victime", estime Jean-Luc Souveton.
"Accompagner, c’est aider sur un chemin", rappelle Pierre de Charentenay. Il y a "beaucoup de pédagogie à faire pour franchir toutes les étapes", de la reconnaissance à la demande de réparation... Il va falloir notamment aider les personnes à considérer ce qui, dans leur vie - santé, carrière, etc. - a pu être empêché à cause des abus subis. Et "laisser la victime naître à elle-même". Avoir été abusé c’est subir par la suite "un empêchement d’être", comme dit Antoine Garapon, le président de la CIRR. Il faut "beaucoup de délicatesse" pour accompagner une victime sur le long terme, prévient Pierre de Charentenay. Et suffisamment de moyens… Il y a là "un défi tout à fait considérable".
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