Rester ou partir ? La question taraude les politiques, les médias, des institutions, des établissements d’enseignement supérieur ou encore des entreprises présentes sur X. L'évolution du réseau social sous l'impulsion d'Elon Musk, propriétaire depuis 2022, et le recul de la modération des contenus poussent les utilisateurs à la réflexion.
Quitter X, le dilemme n’est pas nouveau. Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk en 2022 et les changements imposés par le multimilliardaire, la question tourne chez de nombreux utilisateurs. La maire de Paris Anne Hidalgo a quitté le réseau en 2023. Il y a un an, en janvier 2024, l’université de Strasbourg avait franchi le pas en raison de "l’absence de respect des règles européenne et la démultiplication de fausses informations et du complotisme". Avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, les appels au départ se sont multipliés pour dénoncer l’évolution de Twitter devenu X : l’absence de modération, la multiplication de contenus haineux ou encore le rôle d’Elon Musk au profit de la campagne du candidat républicain et son soutien aux partis d’extrême droite.
Chez les politiques, dimanche 12 janvier, la chef de file des écologistes, Marine Tondelier, a appelé sur RTL, les députés du Nouveau front populaire a fermer leurs comptes. Mais des institutions publiques ou culturelles ne sont déjà plus sur X. Le musée Mémorial de Caen a fermé son compte le 6 janvier, son directeur évoquant "une usine à chaos". Le centre hospitalier de Bordeaux a fait de même le 12 janvier. Le 10 janvier, la prestigieuse Ecole Polytechnique optait pour un départ en raison de "l‘évolution éditoriale de la plateforme".
Et puis il y a des médias et journaux : le Guardian en Angleterre, La Vanguardia en Espagne, dans l’Hexagone Ouest France a été le premier grand quotidien à se retirer le 19 novembre 2024. "Cette décision collégiale a été longuement murie. X fait circuler du contenu d'information ou de désinformation. Il pourrait être un espace beaucoup plus démocratique s’il était régulé" souligne François Xavier Lefranc, le directeur de la publication. "Dans la mesure où le propriétaire de cette entreprise, un homme puissant et riche, dit qu'il n'y aura aucune régulation parce qu'il estime que c'est de la censure, eh bien, nous ne pouvons pas diffuser nos contenus sur un espace de cette nature". poursuit-il. Depuis, d’autres journaux français ont aussi opté pour un retrait : Sud Ouest, le Courrier Picard ou encore The Conversation.
Les fakes news et l’absence de modération ne sont pas les seules raisons des départs sur X. La mécanique interne du réseau est aussi pointée du doigt accusée d’invisibiliser certaines idées au profit d’autres. C’est l’un des arguments, pour justifier leur départ développé, par plus de 80 associations, syndicats ou organismes (comme Emmaüs France et la Fédération des mutuelles de France) dans une tribune parue dans le Monde, le 14 janvier. "Les algorithmes assurant le fonctionnement du réseau sont opaques et orientés. Nous avons pu mesurer que Twitter amplifie la toxicité dans les files d'actualité des utilisateurs. Il met en avant les contenus les plus toxiques en priorité" analyse de son côté David Chavalarias, mathématicien et chercheur au CNRS. "L'infrastructure de Twitter est utilisée pour pousser la parole d'Elon Musk, la parole de ses alliés, pour invisibiliser d'autres personnes et pour augmenter la toxicité, donc l'hostilité entre les groupes sociaux et ça, c'est inacceptable".
Mais beaucoup hésitent encore à quitter X pour les autres réseaux en vogue comme, Thread, Bluesky ou Mastodon n’ont pas encore l’impact des 251 millions d’utilisateurs de X, capable de réunir à la fois des présidents américains, le pape François, le Dalaï Lama, des chercheurs ou des centaines de stars. Pour aider les indécis, un collectif baptisé HelloQuitX a développé une application pour aider les utilisateurs à migrer de X vers d’autres réseaux jugés plus sains. "Le transfert des données, des abonnements et des abonnés constituait un frein pour des personnes susceptibles de quitter X » indique David Chavalarias également porte-parole du collectif. "Cette plateforme permet à chacun de venir de s'enregistrer, de dire s’il est sur Mastodont ou Blue Sky ensuite elle s'occupe automatiquement de reconnecter ces personnes-là au nouveau réseau choisi. Si un de vos abonnés a migré sur le nouveau réseau sélectionné, vous le retrouverez" détaille le mathématicien.
On verra plus clair à partir du 20 janvier en fonction de l’ampleur réelle des départs. "La valeur d’un réseau social, c’est le nombre de membres présents dessus" rappelle Olivier Ertzscheid, chercheur en science de l’information et de la communication à l’université de Nantes et l’IUT de la Roche sur Yon. "A titre individuel, même s'il y a 10 000, 100 000, 200 000 personnes qui quittent X, ça ne va pas fondamentalement faire bouger les choses. Par contre, si un nombre significatif de très grands comptes et d'abonnés, quittent la plateforme notamment des médias, des hommes et femmes politiques en soit l'ADN de Twitter. Là, les choses peuvent évoluer très vite" ajoute-t-il. L’appel à quitter X peut amener à une fragmentation des réseaux sociaux en fonction d’orientations politiques ou idéologiques, et "marque peut-être la fin de ces très grands réseaux sociaux généralistes sans étiquette apparente" envisage le chercheur.
Olivier Ertzscheid pour ses recherches va rester sur X pour continuer à étudier la plateforme et ses évolutions. D’autres utilisateurs militent pour rester au nom d’un débat ouvert. Faut-il laisser le terrain aux idées de Musk ou bien occuper aussi l’espace face aux contenus haineux ? Ils pointent aussi le risque d’un entre-soi en évitant de se confronter à d’autres opinions que les siennes.
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