Les voix dissidentes sont difficilement audibles dans le climat agricole actuel. Alors que les tracteurs multiplient les blocages pour réclamer moins de normes environnementales et plus de soutien de l’État, une éleveuse exprime son opposition au mouvement guidé par la FNSEA. Un témoignage qui met en lumière l’hétérogénéité des points de vue et des revendications syndicales.
Agricultrice depuis 15 ans dans le Cotentin, en Normandie, Stéphanie Maubé connaît bien les normes de ce monde. Pour autant, pas question pour elle d’enfourcher son tracteur pour converger vers Paris afin de porter sa colère et ses revendications. “Mon mode d’exploitation et les choix d’exploitation que j’ai fait sont moins techniques et beaucoup plus basés sur l’herbe” , explique-t-elle. Ce modèle lui permet d’utiliser peu de carburant et la rend donc moins dépendante des prix.
Dans la même veine, elle n’utilise pas de fourrage, de soja ou de maïs importé de l’étranger pour nourrir ses bêtes. “Mes moutons entretiennent un paysage par leur pâturage et ils favorisent une certaine biodiversité” assure Stéphanie Maubé.
“Si on cède à tous aujourd’hui nous serons encore plus dépendant des productions étrangères dans 20 ans car nous aurons tué notre sol
“Dans la Manche, ce sont les productions de lait et de légumes qui dominent et elles sont beaucoup plus dépendantes de tous les intrants : le carburant, l’alimentaire ou encore les produits phytosanitaires” explique l’éleveuse qui dit comprendre la colère de certains de ses collègues.
Elle regrette cependant que cette colère provoque un nivellement par le bas en matière environnementale. “La concurrence déloyale est injuste et nos agriculteurs ont raison de la dénoncer, mais c’est inadapté de se tirer vers le bas au motif que l’Italie ou l’Espagne utilisent des produits très polluants” s’agace-t-elle.
“Ma crainte est que tous les progrès visant à ce que l’agriculture soit plus vertueuse et moins polluante ces dernières années soient balayés pour aborder le sujet uniquement sur le prisme économique et de la viabilité agricole” s’émeut l’agricultrice normande. “Si on accède à toutes les requêtes des agriculteurs en allégeant les normes et en les autorisant à être beaucoup plus laxiste, on risque de continuer à rendre nos terres infertiles et nous serons encore plus dépendant des productions étrangères dans 20 ans, car nous aurons tué notre sol.”
Je ne voudrais pas que le dialogue agricole soit l’apanage de quelques syndicats
Un discours qui se rapproche de celui de la Confédération paysanne. Le collectif a beau prendre part à la colère ambiante et se joindre au cortège, ses revendications divergent de celles portées par la toute-puissante coalition FNSEA-JA. Portée sur le respect des normes environnementales et plus protectrices pour notre santé, la Confédération paysanne concentre ses demandes sur la rémunération. Elle souhaite par exemple interdire l’achat de produits à des prix inférieurs que leur coût de production. Un moyen de protéger les petites et moyennes fermes, car l’organisation se bat contre l’industrie agroalimentaire que représente la FNSEA.
“Je ne voudrais pas que le dialogue agricole soit l’apanage de quelques syndicats” abonde Stéphanie Maubé “La manière dont s'expriment les représentants des syndicats est violente, agressive et affreuse, car ces tracteurs, qui défilent, ressemblent à des chars” ajoute-t-elle. Les colonnes de tracteurs qui défilent sur les autoroutes ne doivent donc pas éclipser la diversité des modèles agricoles en France. “La communication agricole doit être hétérogène et surtout pas l’apanage de quelques syndicats qui prennent le pas sur tous les autres” conclut-elle.
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