Brandie de tous côtés de l'échiquier politique en étendard de la cause écologique, la "souveraineté alimentaire" semble relever de l'incantation tant les normes supranationales contraignent l'activité agricole française.
Entre autres carences, la pandémie de 2020 a révélé les déficiences françaises en matière de production alimentaire. "Très intéressant de voir comment la notion de souveraineté alimentaire est apparue pendant la crise Covid, note Christiane Lambert, qui vient de passer la main à la tête de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), à l'issue de deux mandats consécutifs. "Il a été question de pénuries, les Français ont eu peur de manquer", se rappelle celle qui, en six ans de présidence, a connu l'irruption d'une pandémie mondiale et de la guerre en Ukraine. Un autre événement révélateur de l'insuffisance nationale. "Les Français et les décideurs politiques ont découvert qu'on était dépendants, pour notre alimentation, de beaucoup d'autres pays", fulmine-t-elle.
Il a été question de pénuries, les Français ont eu peur de manquer
En cause également, "le manque de compétitivité plus général. Le coût du travail est plus élevé, les normes plus importantes, les délais administratifs pour construire un bâtiment. Bref, la France s'est mis des boulets aux pieds dans un certain nombre de domaines, et pas que pour l'agriculture. C'est la même chose pour l'industrie".
La France, bonne élève par excellence ? Christiane Lambert regrette en tout cas "des décisions franco-françaises de surtransposition de normes européennes, alors que nous sommes sur un marché unique. Donc d'autres pays, n'ayant pas les mêmes règles, produisent plus et moins cher. Les distributeurs et les Français, qui aiment les bas prix, se dirigent vers ces produits-là". "Les autres pays n'ont pas suivi. Résultat : nous, on a mis les normes et perdu la production, les autres pays n'ont pas mis les normes, ont produit, et donc on importe", constate avec dépit l'ex-présidente de la centrale paysanne.
D'autres pays, n'ayant pas les mêmes règles, produisent plus et moins cher. Les distributeurs et les Français, qui aiment les bas prix, se dirigent vers ces produits-là
En janvier, l'interdiction par la CJUE du recours aux néonicotinoïdes avait été appliquée avec un zèle spécial par la France, laquelle avait exclu tout usage dérogatoire de cet insecticide "tueur d'abeilles". Début février, des files de tracteurs avaient défilé à Paris à l'appel de la FNSEA afin de protester contre une mesure jugée inique.
L'éleveuse de porcs ne fait pas mystère de ses convictions religieuses. "Mes parents étaient tous deux militants à la Jeunesse agricole catholique. J'ai été élevée dans une famille chrétienne pratiquante, et ça m'a imprégnée", assure-t-elle. "Quand je vois quelqu'un qui a un problème, j'ai envie de donner un coup de main. J'assume d'avoir cette fibre-là et ça m'a inspirée pour l'écoute, l'aide aux autres, la volonté de résoudre des problèmes", ajoute-t-elle, mentionnant également "le gène de la responsabilité" qu'elle a "hérité de [s]es parents". "S'interroger sur ses propres actes et s'imposer un comportement, c'est pour moi une colonne vertébrale", affirme-t-elle.
Dans Laudato si', sa deuxième encyclique publiée en 2015, le pape François développait le concept d'écologie intégrale, selon lequel le dépouillement de l'âme ne peut aller sans une attention à l'état de la maison commune. "J'ai dévoré Laudato Si' en deux nuits, s'enthousiasme Christiane Lambert. Ce qui est très intéressant, c'est que le pape dit que certes, l'homme est responsable du mal qui a été fait à la planète, mais il est aussi la solution. C'est par son action, grâce à la science et au progrès, que les solutions seront trouvées". Comme une charge adressée aux adeptes de la décroissance qui "deviennent violents pour imposer leur loi". A Sainte-Soline (Deux-Sèvres), une manifestation contre l'installation de bassines de rétention d'eaux de pluie a tourné fin mars à l'affrontement entre militants et forces de l'ordre.
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