TikTok : qui sont ces nouveaux influenceurs cathos ?

TikTok, réseau idéal face aux églises qui se vident ?

 

Gratuit et accessible, TikTok compte sept millions d’utilisateurs quotidiens en France. Un terreau fertile que le père Gaspard et le père Matthieu ont vu comme l’opportunité de parler de la foi en touchant le plus grand nombre. Le compte du père Matthieu cumule plus d’un million d’abonnés. C’est en voyant le succès du réseau que le prêtre s’est dit "qu’il y avait peut-être quelque chose à imaginer". Sa ligne éditoriale ? Parler avec dynamisme des grandes questions de l’Église, avec l’idée de déconstruire les clichés et de créer un pont entre vie quotidienne et évangile.

 

Ce sont les jeunes qu’il encadre qui ont poussé le père Gaspard Craplet à utiliser TikTok, en février 2021. Sur ses vidéos, les questions sont posées directement par les jeunes, le tout filmé dans des paysages montagnards à couper le souffle. "Je n’aime pas trop me mettre en scène, et je préfère attirer le regard sur les paysages pour qu’on puisse se concentrer sur le fond de ce que je dis", explique-t-il.

 

Il s'agit, en somme, de donner le visage d’une Église accessible, jeune, en vulgarisant les aspects plus obscurs de l’Evangile, "avec les mots d’aujourd’hui". Et comme le souligne le père Gaspard, "sur TikTok, il n’y a pas de tabou". Le réseau est un lieu propice pour le débat et les questions. L'interaction est facilitée par les “j’aime” et les commentaires, qui permettent aux prêtres d’avoir les réactions sur le vif.

 

Un support "rapide et percutant" 

 

Sur TikTok, le défi est de captiver en moins de 30 secondes. Surtout dans un flux constant de contenu de plus en plus varié. L’habit de prêtre intrigue et fait cliquer : il est surprenant de voir un religieux sur la plateforme. Cela s’accompagne d’un constat : les jeunes se font rares à la messe. Mais s'ils sont absents des églises, on les retrouve sur les réseaux sociaux. Musiques, effets, emojis : le père Matthieu a appris à maîtriser les codes propres à Tiktok pour attirer une large audience.

 

C’est la volonté de "partager ce qui fait vibrer" son cœur qui a poussé le père Matthieu à créer un compte TikTok. Pour la plateforme, il a adapté sa façon de prêcher, en développant par exemple des “tikthomélies”, courtes vidéos de lui dans son église. L’idée est de "désacraliser la figure du prêtre", en mettant en scène la "beauté et la joie de l’univers catholique". Le père Gaspard accorde quant à lui une importance cruciale à son "désir de garder un contact avec le monde réel". Ses 36 000 abonnés sont séduits par le côté authentique et quasi improvisé de ses vidéos. 

 

La liberté de parole des prêtres remise en question 

Il est rare sur les réseaux sociaux de faire l’unanimité, car ils sont le lieu privilégié de débats houleux. "C’est le jeu d’internet", reconnaît le père Matthieu. Face aux commentaires haineux, les deux prêtres ont appris à faire la part des choses. L’agressivité est décuplée sur Internet, mais malgré un "lynchage permanent", les tiktokeurs ne perdent pas espoir et s’attachent aux encouragements et aux likes. Pour préserver leur santé mentale et leur vie personnelle, ils ont appris à se mettre "des pare-feux". L’un des avantages de TikTok est le contact direct avec l’abonné, le dialogue qui se fait en sincérité et sans aucun filtre. Ainsi, le père Matthieu et le père Gaspard ont souvent des échanges, des retours, des intentions de prières dans leurs commentaires. Et il leur arrive d’avoir des "messages francs, réels et profonds". 

 

Le père Matthieu est quant à lui souvent critiqué pour ses prises de position. Un TikTok publié sur son compte en août 2021 a notamment fait polémique. Il y affirme que selon la Bible, "l’homosexualité n’est pas un péché". Une vidéo qui a fait réagir la Conférence des évêques de France, le 27 août 2021 : "La CEF désapprouve certaines de ces vidéos qui dénaturent le message de l’Eglise. Elle alerte sur le fait que leur succès d’audience ne signifie pas qu’elles soient justes." Le père Matthieu affirme en parallèle recevoir le soutien de son évêque et être soutenu par une importante équipe de théologiens. 

 

Le père Gaspard a d’ailleurs réagi à une vidéo du père Matthieu sur la figure du diable. Dans les commentaires, on peut lire "même les prêtres se clashent !". Mais les deux invités ont nuancé et pacifié en disant ne pas vouloir entretenir la "guéguerre" encouragée par les utilisateurs de TikTok. "Un seul troupeau et un seul berger", ajoutent-ils.

 

Des influenceurs cathos qui parlent à tout le monde

 

Sur TikTok, l'habit de prêtre intrigue et attire de nombreux curieux. Parmi le million d’abonnés du père Matthieu, seul un quart est pratiquant. 7% sont athées, et le nombre d’utilisateurs d’autres religions est considérable. La tranche d’âge touchée est elle aussi importante : "j’ai des abonnés collégiens et d’autres retraités", souligne-t-il. Et pour un non-croyant, les comptes des religieux permettent d’en apprendre davantage sur la culture chrétienne ou d’obtenir des réponses à de grandes questions spirituelles. 

 

Du célibat des prêtres au mariage homosexuel, tous les sujets sont traités. Des thèmes qui font polémique, qui font cliquer, et qui intriguent les non-croyants. TikTok permet justement de dialoguer avec ces personnes d’autres croyances. C’est, selon eux, un lieu de rencontre. "J’ai eu l’opportunité de parler avec des personnes d’autres croyances", raconte le père Matthieu. Le contenu proposé semble ainsi "répondre au besoin de sens" de leurs abonnés, qu’ils soient catholiques ou non. Grâce au succès rencontré sur le réseau social, le père Matthieu vient de publier le livre "Croire ça ne sert à rien" chez Flammarion, dans lequel il répond de nombreuses questions.

 

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Pour aller plus loin : 

Pour créer du lien grâce au numérique entre les églises et les paroissiens, Bruno Tricart et ses équipes ont pensé une application qui "remet l'église au cœur du village". Depuis la crise sanitaire, les églises souffrent d'un manque de communication. MyParoisse est une application gratuite, au goût du jour, qui permet aux prêtres de communiquer plus facilement avec les croyants. L'objectif est de fédérer et de rassembler, même à distance.