Le traité de libre-échange du CETA entre l’Union européenne et le Canada est au cœur du Sénat aujourd’hui. Signé en 2013, puis appliqué provisoirement depuis 2017, le projet de loi a passé l’étape à l’Assemblée nationale, sans jamais faire escale au Palais du Luxembourg. Dix ans plus tard, les sénateurs ont largement rejeté cet accord jeudi 21 mars, qui prend une nouvelle dimension depuis la crise agricole.
Un coup politique. Avec l’inscription du projet du CETA dans leur niche parlementaire, les dix-huit sénateurs communistes du Palais du Luxembourg font trembler l’exécutif jusque dans les couloirs de l’Élysée. Ce jeudi 21 mars, la majorité des sénateur ont rejeté l'article 1er du traité controversé de libre-échange du CETA entre l’Union européenne et le Canada.
Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un traité de libre-échange signé il y a dix ans entre Bruxelles et Ottawa. Censé faciliter les échanges commerciaux entre les deux pays, l’accord a été trouvé en 2013. Fondé sur quatre volets, - le commercial, les services, les indications géographiques protégées et la protection des investisseurs - le traité de libre-échange prévoit surtout de supprimer les droits de douane de l’ensemble des produits échangés entre l’Union européenne et le Canada.
La première partie de cet accord, compétence de la Commission européenne, est en application depuis 2017. “C’est relatif à l’union douanière et aux frontières de l’Union européenne”, explique Antoine Bouët, directeur du CEPII, le centre d’études prospectives et d’informations internationales.
Le reste relève de règles de droits juridiques, qui sont les compétences de l’Etat, notamment “la protection des investisseurs”, détaille-t-il. “Cela doit être ratifié par tous les parlements” des pays de l’Union européenne.
Avant cet accord bilatéral, d’importants droits de douane freinaient la circulation commerciale entre les deux puissances mondiales. Avec cet accord, “il y a eu une suppression de ces droits de douane, sauf sur certains produits sensibles, comme les produits laitiers et la filière bovine”, détaille le directeur du CEPII.
La tertiarisation de la société jouit aussi de cet accord de libre-échange. “Les services aussi se sont libéralisés. Il y a, par exemple, une reconnaissance mutuelle des diplômes d'architecture”. Même effet sur les indications géographiques protégées : “le Canada va, par exemple, reconnaître le camembert de Normandie. Il ne pourra plus y avoir de camembert de Normandie fait au Canada, qui ne respecte pas le cahier des charges de la marque”.
L’examen puis le vote du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada semblent davantage être un coup politique qu’une réelle menace pour l’exécutif. Provisoirement appliqué depuis 2017, cet accord n’a jamais été ratifié dans son intégralité. Validé de justesse en 2019 par l’Assemblée nationale, le gouvernement n’a jamais saisi le Sénat, par crainte d’une désillusion. L’accord est signé, appliqué dans 95 % des mesures du texte, mais pas ratifié.
La niche parlementaire communiste a permis le retour de ce texte au sein de la Chambre haute. Grâce au rejet massif d'une improbable alliance gauche-droite des sénateurs, les communistes réussissent leur "coup de tonnerre politique”. Un revers pour l'exécutif qui n'a qu'une envergure symbolique. Le gouvernement français ne pourrait pas notifier à Bruxelles la décision de son Parlement, entraînant un statu quo.
Pour autant, pourquoi les parlementaires s’opposent-ils à la ratification totale de cet accord ? “C’est une tradition en France d’être extrêmement contre les traités de libre-échange”, souligne Antoine Bouët qui cite Gustave Flaubert : “le libre-échange est la cause de tous nos maux”.
La colère agricole des dernières semaines a également réveillé les consciences. Aussi, “les agriculteurs ne se sentent pas assez protégés”, analyse le spécialiste. “Les éleveurs bovins canadiens sont très compétitifs, car ils ont de grandes exploitations agricoles. Il y a dans l’accord un quota tarifaire qui fait qu’à l’intérieur de ce quota, on ne paye pas de droit de douane, mais à l’extérieur, on paye des droits énormes”, conclut-il.
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