Grenoble
Depuis plusieurs mois, les guerres de gangs et leurs conséquences dramatiques font la une des journaux. Rien qu’à Marseille, 47 personnes sont mortes cette année sur fond de concurrence entre trafiquants de drogue. Mais les règlements de compte ne sont pas propres à la cité phocéenne. De nombreux autres quartiers de France sont aussi tristement connus pour leur violence, comme à La Villeneuve à Grenoble. Mais rien n’est figé et la sérénité pourrait encore revenir dans cette cité, qui a aussi des choses à offrir.
Tout est pourtant parti d’une utopie d’urbanistes. Dans les années 70, les premiers immeubles de La Villeneuve sortent de terre, entre les montagnes. La mixité sociale est au cœur du projet mais rapidement le mythe s’effondre. Dans les années 80, le bâti se dégrade, les classes moyennes désertent et les commerces s’essoufflent. Ce climat économique ouvre la voie au trafic de drogues, qui se fait de plus en plus prégnant. Mais la véritable bascule a lieu dans les années 2010 et plus particulièrement en 2012, lorsque Kevin et Sofiane, âgés de 21 et 22 ans, sont victimes d’une expédition punitive et meurent, tués au couteau.
Cette année-là, Nicolas Sarkozy se rend sur place et prononce un discours qui fera date. Pour la première fois, celui qui est alors président, fait le lien entre délinquance, immigration et quartier. Dès lors, la réponse apportée sera essentiellement sécuritaire. Mais cette politique est « un échec » aux yeux d’Eric Piolle, l’actuel maire écologiste de Grenoble : « on voit bien que tout ça patine parce qu’on écope la mer à la petite cuillère ». S’il salue le projet de rénovation urbaine lancé par Jean-Louis Borloo, l’édile déplore qu’elle soit « très lente [et que] l’état n’y mette plus de sous ». Et d’insister sur la nécessité de prendre davantage en compte « la dimension sociale et économique des gens » : « on voit bien ces dernières années la mécanique de discrimination qui s’accentue et tout ça rajoute à ce sentiment d’habitants qui n’auraient pas les mêmes droits que les autres et ça n’aide pas clairement ». Pour sortir de ce mécanisme, le maire écologiste appelle à « dépasser les préjugés ».
Pour dépasser ces préjugés et aider la cité à surmonter ses difficultés (chômage, inégalités, grande pauvreté…), la clef réside dans l’écoute de la colère des résidents, selon Herrick Moifo-Djontu. Ce sociologue des conflits connaît bien La Villeneuve puisqu’il a travaillé avec les habitants sur les raisons de la colère. « Chercher à comprendre la violence, ne veut pas dire excuser la violence. C’est comprendre les racines pour mieux l’endiguer », explique-t-il. Les mots utilisés ont d’ailleurs un grand impact sur les personnes concernées : « lorsqu’on qualifie un jeune de quartier, l’expression a une charge assez péjorative », illustre-t-il, en insistant sur la nécessité de « ne plus lire ce lieu comme étant un lieu homogène ».
Malgré les fait-divers à répétition, les règlements de compte qui se terminent parfois avec un mort ou un blessé grave, la solidarité se veut plus forte et certains habitants du quartier de La Villeneuve veulent garder espoir. C’est le cas de la mère d’un des deux jeunes hommes tués en 2010. « La non-violence doit être un combat à toutes les échelles, l’héritage de la violence peut être contrebalancer », affirme-t-elle, consciente que ceux qui sont violents ont souvent été eux aussi victimes.
La clef selon elle réside dans la communication avec les jeunes. « Il faut leur dire que la violence n’est pas le seul moyen de répondre à une agression, et leur donner cet amour d’eux-mêmes. Parce que si on ne s’aime pas, on peut difficilement aimer les autres et on répondra par une espèce de frustration », estime-t-elle. Briser le cercle vicieux de la violence, tel est le vœu que fait cette mère endeuillée. « Ce message d’espérance, j’y crois », lance-t-elle.
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