Tunisie : Kais Saied président autoritaire et complotiste

RCF, le 4 octobre 2024 - Modifié le 4 octobre 2024
Le dossier de la rédactionTunisie : Kais Saied président autoritaire et complotiste fait tout pour rempiler

Près de dix millions de Tunisiens, sont appelés aux urnes dimanche. Le scrutin s'annonce sans surprise, le président sortant Kais Saied a verrouillé  l'élection. Il est accusé de dérive autoritaire par ses opposants.  Populiste, Kais Saied use aussi largement de la corde complotiste pour se maintenir au pouvoir. 

Les affiches du président tunisien sortant sont pratiquement les seules visibles dans les rues. Crédit photo : Chedli Ben Ibrahim / Hans Lucas.Les affiches du président tunisien sortant sont pratiquement les seules visibles dans les rues. Crédit photo : Chedli Ben Ibrahim / Hans Lucas.

Pas de meetings ni débats, juste des portraits du président Tunisien sur des bâtiments publics, étrange ambiance électorale pour cette présidentielle. Rien à voir avec l'engouement d’il y a cinq ans, autour de Kais Saied, 66 ans. Cet expert de la constitution à la réputation de probité avait été élu à près de 73 % avec une participation d'environ 58 %. Sa promesse : remettre de l'ordre après 10 ans de déclin socio-économique et d'instabilité politique suite à la révolution de Jasmin en 2011.

Le 25 juillet 202, il s'était emparé des pleins pouvoirs, limogeant son gouvernement et suspendant le Parlement, avant de réformer la constitution en 2022 pour instaurer un système ultra-présidentialiste. Un coup d’Etat soutenu à l’époque par une partie des Tunisiens désabusé par la crise économique, politique ou encore le terrorisme.

Un président adepte de la théorie du complot

Kais Saied, s’appuie sur un narratif populiste, très particulier, et cela, plaît à certains Tunisiens. "Donald Trump a recours à la théorie du complot parce qu'il sait que dans sa base, il y a un public réceptif à ça. Kais Saied est quelqu'un qui croit vraiment à la théorie du complot" analyse Hatem Nafti, expert politique auteur de l’essai "Notre Ami Kais Saied" paru en septembre. "Il croit vraiment qu'il y a un complot généralisé contre la Tunisie dans l'État, à l'étranger dans une partie de la classe politique. Il gouverne par le complot et s'oppose comme une sorte de garant, une sorte de chef de guerre qui va défendre la Tunisie contre ces complots" précise l’essayiste. 

Le ressort xénophobe 

L’autre levier important utilisé par le président Tunisien, en lien d’ailleurs avec le complotisme, c’est la xénophobie et le racisme. Il a désigné les Noirs comme boucs émissaires. En février 2023, dans un discours virulent, il dénonçait des "hordes de migrants clandestins subsahariens faisant partie selon lui d’un plan pour changer la démographie tunisienne. "Il joue sur le fait que certains Noirs sont Chrétiens. Et il dit attention, si on laisse les Noirs rentrer, c'est le christianisme qui progresse et l'islam qui recule" explique Vincent Geisser. "Quand on regarde les statistiques plus de 80 % des subsahariens sont musulmans. Ce racisme et la chasse aux subsahariens s'articulent avec un discours sur la défense de l'identité musulmane de la Tunisie, de son identité arabe". A l’issue des propos de Kais Saied, des dizaines de migrants avaient été attaqués et pourchassés par la population.

Un tournant autoritaire de plus en plus marqué

Ces dernières années, l'opposition, des ONG tunisiennes et étrangères n’ont cessé de dénoncer une régression des libertés. La justice a été mise sous tutelle, les principaux opposants incarcérés, la presse muselée et la société civile sous contrôle avec des arrestations de syndicalistes, militants ou commentateurs politiques.

Un cap supplémentaire a été franchi avec la tentative d'empêcher toute possibilité d'alternance. Pour le vote de dimanche, seul, trois des 17 candidats en lice ont été retenus, au terme d'un processus électoral biaisé par des parrainages impossibles à obtenir et l'exclusion par l'autorité électorale des concurrents les plus sérieux. La participation à cette présidentielle de dimanche reste un point d’interrogation. La participation avait atteint 11,3 % lors des législatives de début 2024.


 

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