Il semble de plus en plus difficile d'éduquer des enfants. On parle de burn out parental, d'enfants tyrans, des difficultés rencontrées par les mères célibataires... Et s'il fallait changer sa manière d'être parent ? C'est l'avis de Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste, fondatrice des centres d'accueil Les pâtes au beurre et co-auteure du rapport ministériel "Les 1000 premiers jours - Là où tout commence".
Nous sortons d'une période compliquée pour les parents et les enfants. Les périodes de confinement ont été pour beaucoup de parents une véritable épreuve. "Il y a eu une grande panique générale, a constaté Sophie Marinopoulos, soudainement on a pris conscience qu’on était mortels, la mort effraction psychiquement dans l’histoire de chacun." Ajoutée aux angoisses existentielles, la violence verbale et physique, qui s’est insinuée au sein des couples et des familles. "Des enfants qui manifestaient des désirs de suicide ont fait beaucoup paniqué les parents." D'autres se sont montrés incontrôlables, incapables de rester confinés.
"La scolarité" a aussi "beaucoup préoccupé les parents", ajoute Sophie Marinopoulos. Fondatrice de l’association Les pâtes au beurre, elle a vu des parents qui "voulaient bien faire", qui "essayaient de suivre le programme et la manière dont il fallait apprendre aux enfants au lieu de s’autoriser à créer une forme nouvelle d’être un parent-professeur…"
Des parents désemparés, cela ne date pas d’hier. Dans les années 90, les listes d’attente des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) s’allongeaient déjà. Elles s’allongeaient tellement que Sophie Marinopoulos est partie. Elle n’en pouvait plus de voir tant de parents délaissés. "C’est très très violent, et cette violence-là je ne la supportais plus. Il y a eu un moment où j’avais une difficulté entre le choix de mon métier, ce que je voulais faire, être là, et ce que l’institution me permettait de faire et du coup j’ai décidé de partir."
Partir pour créer Les pâtes au beurre. Des lieux d’accueil ouverts à tous les parents et sans rendez-vous. Il en existe 14 en France, le premier a été ouvert à Nantes en 1999. Et si l’association porte un tel nom, c’est que les parents sont reçus… dans une cuisine ! Sophie Marinopoulos s’est inspirée de Selma H. Fraiberg (1918–1981), une psychanalyste et assistante sociale aux États-Unis. Elle accueillait toujours les familles dans sa cuisine. La cuisine c’est "une pièce familière, un lieu de confidences". Aux Pâtes aux beurres, les familles sont reçues collectivement. "C’est l’occasion de s’écouter pour s’apprivoiser."
Être parent c’est rencontrer un autre, c’est tous les défis de la rencontre, on va éprouver des sentiments, des émotions, des peurs des doutes, on ne va pas forcément immédiatement se comprendre...
"Il faut qu’on ait le courage de poser des mots sur ce que nous vivons : c’est beaucoup plus difficile d’être un être humain aujourd’hui, de naître à la vie aujourd’hui." Sophie Marinopoulos observe un certain nombre de "nouveaux éléments" qui "complexifient" la vie des familles. En premier lieu, "l’accélération du temps" et "les cadences imposées qui détruisent les rythmes qui nous constituent". Il y a bien sûr les écrans, qui, certes "font partie de nos vies", mais qui ne doivent pas "faire écran à la relation".
Et puis il y a tous les diktats et injonctions qui pèsent sur les parents. Pour Sophie Marinopoulos, "on empêche aujourd’hui le parent de créer sa propre parentalité, d’être parent singulièrement". Il existe pléthore de méthodes et de guides pratiques. Or, "on n’apprend pas à être parent, ça s’éprouve", nous dit la psychologue et psychanalyste. "Être parent c’est rencontrer un autre, c’est tous les défis de la rencontre, on va éprouver des sentiments, des émotions, des peurs des doutes, on ne va pas forcément immédiatement se comprendre."
Sophie Marinopoulos est l’une des 18 experts de la commission "1000 premiers jours", lancée en septembre 2019 et présidée par Boris Cyrulnik. Leur rapport ministériel "Les 1000 premiers jours - Là où tout commence" a été rendu public en septembre 2020. Un rapport qui insiste sur l’importance des 1000 premiers jours de la vie d’un enfant.
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