"Dans ma classe, je les vois s’échanger des petits mots doux, se tenir par la main sous les tables. Et je trouve cela très mignon !" confie cette enseignante en primaire. Mais comment naissent ces petits couples ? Quel regard y jeter en tant que parents ? Plongée dans le "vert paradis des amours enfantines" avec Didier Lauru, psychiatre et psychanalyste.
A quel âge peut-on "tomber amoureux "? Cela se manifeste généralement vers 3-4 ans, à l’entrée en maternelle, avec le contact d’autres enfants. "Ils se tiennent par la main, se font des bisous ou des câlins." constate Didier Lauru . Mais peut-on vraiment parler d’amour au sens adulte du terme ? Non, pour le psychanalyste, qui préfère parler d’"allures amoureuses : on a beaucoup d’attention pour l’autre, on a envie d’être gentil , d’offrir des cadeaux et réciproquement." Mais il n’y a pas de sexualité comme pour un ado ou un adulte.
Qu’est-ce qui fait alors qu’un enfant soit plus attaché à un autre, au-delà d’une simple amitié ? Il peut y avoir des traits physiques ou de caractère : "Il est beau, elle a des cheveux blonds ou bouclés, il est tendre avec moi." Des aspects qu’on peut retrouver chez ses propres parents et qu’on peut transposer sur son amoureux. "A cet âge –là, on est dans la naissance du complexe d’Œdipe", explique Didier Lauru. L’enfant commence à comprendre qu’il ne pourra pas se marier à avec son père ou sa mère. "Mais les deux amours co-existent, envers le parent et un autre de son âge. »
Pour autant, quelle importance accorder à ses petits couples de maternelle ? "Il faut les prendre au sérieux ! » souligne le psychanalyste. "S’en moquer, ridiculiser, c’est vexer l’enfant, qui n’osera plus s’exprimer et pourrait alors interrompre une relation et un sentiment très doux." A contrario, éviter de renforcer ce lien en invitant systématiquement l’élu du cœur à venir à toutes les fêtes ou sorties en famille. "C’est à l’enfant de décider s’il veut le ou la voir en dehors de l’école." Quant au risque de tomber dans une relation exclusive, qui le couperait d’autres camarades, "il reste rare." estime Didier Lauru.
Amour toujours ? Pas vraiment, même en maternelle où les liaisons peuvent très vite se défaire. Comment considérer alors ces premiers chagrins ? Là aussi, les prendre au sérieux. "L’enfant peut être dans un état de faiblesse, c’est un monde qui s’écroule et c’est un sentiment nouveau pour lui." D’où la nécessité de le rassurer. "C’était un bel amour, la vie te permettra de faire d’autres rencontres et c’est normal d’être triste. » conseille le psychanalyste.
Le chagrin d’amour, une nouvelle expérience. Tout comme celle de savoir comment est fait l’autre sexe. Il n’est donc pas rare de voir des petits garçons ou filles se montrer leur anatomie. "Une curiosité tout à fait légitime, dont il faut parler avec l'enfant.", estime le spécialiste.
Ce qui l’est moins, c’est un petit qui se met à agresser sexuellement un autre camarade, souvent signe d’abus de la part d’un adulte. "Et il faut s’en inquiéter." Quoiqu’il en soit, "rappeler aux enfants que leur corps leur appartient et que personne n’a le droit d’y toucher sans leur accord !" Une "leçon" à apprendre dès la maternelle !
Reste cette question, souvent posée par les parents : si un enfant est attiré par un autre du même sexe, est-ce que cette orientation va se confirmer plus tard ? "Rien n’est joué." estime Didier Lauru. De même qu’un chagrin durement ressenti à la maternelle n’empêchera pas de s’engager dans une relation affective plus tard.
En bref, , "Amours enfantines", les prendre au sérieux sans être intrusif. Et Didier Lauru de conclure : "Les parents s‘imaginent toujours des tas de choses. Mais les enfants ont les pieds sur terre. Et ils ont même cette qualité rare d’être des poètes dans la façon de parler avec sensibilité de leur amoureux ! " Une vertu à retrouver pour son conjoint en cette St Valentin !
Pour aller plus loin :
"La sexualité des petits n'est pas l'affaire des grands" de Didier Lauru. éditions Hachette 2008
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