JavaScript is required

Pédocriminalité : peut-on vraiment tout pardonner ?

Un article rédigé par Marie-Charlotte Laudier, Amélie Gazeau - RCF, le 21 avril 2022 - Modifié le 9 février 2024
Voyage IntérieurPédocriminalité : peut-on vraiment tout pardonner ?

Depuis la sortie du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (CIASE) en octobre 2021, la parole se libère progressivement en France concernant les agressions sexuelles sur mineurs. Après cette libération de la parole, les victimes doivent-elles aller jusqu’au pardon de leur agresseur ? Est-ce une condition nécessaire pour aller mieux ? Et l’agresseur dans tout ça ?  Jacques Lecomte, docteur en psychologie, nous éclaire. Il est l'auteur notamment de "La Bonté humaine - Altruisme, empathie, générosité" (éd. Odile Jacob, 2012) et de "La résilience - Se construire après un traumatisme" (éd. Rue d'Ulm, 2020).

Photo by Sincerely Media on UnsplashPhoto by Sincerely Media on Unsplash

Ce que dit le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l'Eglise

 

La journée du 5 octobre 2021 restera gravée dans la mémoire collective. Ce jour-là à 9h,Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase remet publiquement son rapport. Les chiffres annoncés sont accablants : la France compte plus de 216.000 victimes d'abus sexuels commis par des prêtres ou des religieux depuis 1950. Ce chiffre passe à 330.000 si on ajoute les victimes de laïcs en mission d'Église.

 

Réunis en Assemblée plénière à Lourdes en novembre 2021 les évêques de France ont reconnu la "responsabilité institutionnelle" de l'Église concernant les nombreux abus sexuels commis en son sein. Depuis Eric de Moulins Beaufort a annoncé la création d'une instance indépendante nationale chargée de la reconnaissance et de la réparation des victimes

 

Peut-on pardonner le pire ?

 

Le mot pardon veut dire "donner au-delà de". Lorsqu'on évoque des sujets aussi complexes que la pédocriminalité, comble de l'horreur, on mesure la puissance cette étymologie qui démontre le caractère presque impossible de l'acte de pardonner.

À la question "doit-on pardonner" le docteur en psychologie Jacques Lecomte répond "qu'il n'y a pas de devoir de pardonner". Cette volonté est propre à la liberté de chacun. Savoir si l'on "peut" pardonner est une autre question, une démarche très personnelle. 

 

Pourquoi certaines victimes ont-elles besoin de pardonner ?

 

Pour Jacques Lecomte il y a différentes raisons qui mettent les victimes sur le chemin du pardon. Pour certain il  peut y avoir un rapport ambivalent avec l'agresseur. "L'agresseur est perçu non seulement comme un agresseur mais aussi comme une personne "bonne" explique le psychologue. Les agresseurs étant souvent dans l'entourage proche de la victime et n'étant pas uniquement une source de souffrance la victime peut "vouloir essayer de garder aussi en tête et de valoriser le côté lumineux de ces personnes" précise-t-il.

 

Une chose qui revient également souvent dans cette démarche de pardon est "la souffrance ressentie par la haine". Les personnes décident  de pardonner afin de sortir de l'emprise psychologique qui les ronge, pour pouvoir avancer.

 

Enfin le psychologue note que pour les victimes croyantes, le pardon est une source de résilience importante où Dieu les "invite et surtout leur donne la force de pardonner".

 

Entre décision et émotion : les étapes du pardon 

 

Il est important de différencier le pardon de "décision" du pardon "d'émotion". Le premier est une volonté, un choix posé rationnellement par la personne. Le pardon émotionnel lui est "un sentiment de libération, de bien-être, d'absence d'amertume" qui prend beaucoup plus de temps et sur lequel la victime à moins d'impact concret. Pour autant, il n'y a pas de "modèle" ou de parcours de pardon à suivre. Cela dépend de chacun, de l'expérience traumatisante vécue et de sa disponibilité psychologique. 

 

On pourrait penser que le fait de l'exprimer à son agresseur symbolise la fin du processus de pardon. Pour Jacques Lecomte cela n'est pas toujours nécessaire car le pardon est quelque chose de très personnel. Par exemple, si l'agresseur est décédé, le pardon de la victime ne lui sera jamais exprimé ce n'est pas pour autant qu'il est invalide. Par ailleurs, une personne peut pardonner dans son for intérieur sans pour autant l'exprimer. Enfin, le psychologue Jacques Lecomte rappelle qu'on peut également pardonner sans que l'agresseur ait nécessairement demandé pardon.  Le pardon est avant tout une démarche pour et à soi.

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Voyage Intérieur
©RCF
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.