On l’appelle la science du bonheur. La psychologie positive est un courant de la psychologie qui ne s'attarde pas seulement sur les pathologies mais s'appuie sur la capacité des individus à être agent de leur mieux-être. Mais la discipline est fortement critiquée. On lui reproche un manque de rigueur scientifique et une culture du nombrilisme. Qu’en est-il ? Quels sont ses points forts et ses points faibles ?
L’annonce du cancer de Kate Middleton, âgée de 42 ans, a provoqué de vives réactions en Angleterre et un peu partout dans le monde. Autour de 30, 40 ans, quand on apprend que l'on est atteint d'un cancer, c'est quelque chose de particulièrement violent. "Il y a un effondrement total, a récemment rappelé le Pr David Khayat, oncologue, sur France 5, parce que jamais ils ont pensé qu’à leur âge ils allaient pouvoir l’avoir."
La psychologie positive peut-elle aider à y faire face ? La psycho-oncologue, Sophie Lantheaume est spécialiste de psychologie positive. Elle aide ses patients à trouver leurs ressources intérieures. Et précise que la psychologie positive "n'a rien à voir" avec "le fait de penser positif". Est-ce parce qu'elle est méconnue que sa discipline fait l'objet de critiques ? Qu'est-ce que la psychologie positive ?
Sans doute méconnue, la psychologie positive est visée par un certain nombre de critiques. Elle est parfois vue comme nombriliste ou détachée du réel. Dans, "Happycratie - Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies" (éd. Premier parallèle, 2018), deux sociologues, Edgar Cabanas et Eva Illouz, dénoncent une forme de tyrannie du bonheur. Pour eux, faire l’impasse sur les problèmes de vie pour se concentrer sur le bien-être amène une culpabilisation du patient. Ils dénoncent l’idée selon laquelle si l’on n’est pas heureux c’est que l’on ne fait pas d’effort.
Mais la psychologie positive "ce n’est pas la poudre de Perlimpinpin, répond Sophie Lantheaume, on n’est pas dans le monde des Bisounours !" Elle rappelle que la psychologie positive ne cherche pas à mettre de côté ce qui se passe mal, "c’est vraiment le prendre en considération". Et "se dire peut-être qu’il y a aussi autre chose, quelques secondes dans le quotidien, des petits moments de confort ou de bien-être" et que "qu’on pourrait aussi regarder là".
La psychologie positive, connue entre autres grâce à Christophe André ou Matthieu Ricard, est une discipline universitaire. En France, elle est représentée par Ilios Kotsou, Rebecca Shankland, Charles Martin-Krumm ou Cyril Tarquinio. "Des études scientifiques ont montré les bénéfices, souligne Sophie Lantheaume, donc oui, la psychologie positive fait partie des outils qui peuvent contribuer au bonheur et à l’épanouissement de l’individu."
Des études ont montré que pour une émotion négative il faudrait développer trois émotions positives
Quand elle est née aux États-Unis, à la fin des années 90 et au début des années 2000, elle représentait "un véritable changement de paradigme", décrit Sophie Lantheaume. Là où on s’attardait sur les pathologies, on va désormais s’attarder aussi sur "les ressources chez les individus et ce qui pourrait contribuer à leur mieux-être".
La discipline est basée sur le modèle PERMA, pensé par Martin Seligman, l’un des deux pères fondateurs de la psychologie posoitive avec Mihály Csíkszentmihályi (1934-2021). PERMA, c’est-à-dire P pour émotion positive (positive emotions), E pour engagement, R pour relations positives, M pour sens (meaning en anglais) et A pour accomplissement.
Ce modèle accorde une importance aux émotions positives, car des études scientifiques ont montré que "pour une émotion négative il faudrait développer trois émotions positives", résume Sophie Lantheaume. Le modèle PERMA valorise aussi le "flow", c’est-à-dire le fait de "s’engager autant que possible dans des activités qui font sens pour nous". Par exemple, commencer une activité de peinture à 14h et réaliser à 18h que l’on a peint tout l’après-midi et que l’on n’a pas vu le temps passer !
"Souvent, on met en parallèle une espèce de psychologie négative en face de la psychologie positive, ce n’est pas absolument pas ça !" Pour Sophie Lantheaume, co-auteure avec Rebecca Shankland de "La psychologie positive - 10 fiches pour comprendre le concept positive" (éd. In Press, 2018), "la psychologie positive est intégrative, elle va prendre en compte à la fois les limites, les difficultés, des individus mais aussi les ressources". Et "elle va se servir justement de ces ressources pour accompagner au mieux l’individu".
La psychologie positive a pour objectifs la prévention, en tentant de "comprendre le déterminant du bien-être" et la promotion de la "santé mentale". Concrètement, le thérapeute peut proposer à son patient plusieurs pratiques. "64 ont été validées scientifiquement et permettent d’accroitre notre bonheur au quotidien", précise Sophie Lantheaume. Elle-même spécialisée en thérapies cognitives et comportementales, elle donne souvent des exercices à faire chez soi. Par exemple, noter chaque soir trois choses agréables qui se sont passées dans la journée.
Ce genre de pratique permet de "réorienter notre regard sur ce qui peut se passer de bien au quotidien... Notre cerveau est formaté à reconnaître tout ce qu’il y a de négatif, c’est notre fameux reptilien, il est conditionné à ça, donc on sait faire, on sait observer ce qui ne va pas, mais parfois on a du mal à se reconnecter aux choses agréables."
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