Il y a 60 ans, le 11 octobre 1962, s’est ouvert le concile Vatican II. C'est l'événement le plus marquant de l'Église du XXe siècle : il est né d'une volonté d'ouvrir l'Église catholique au monde et de l'adapter à la modernité. S'il a été convoqué par le pape Jean XXIII, celui-ci est mort quelques mois après son ouverture le 3 juin 1963. C'est donc son successeur, Paul VI, qui a fait aboutir le concile. Comment a-t-il réussi ? C'est cette histoire passionnante que nous raconte l'historien Étienne Fouilloux.
Paul VI a été canonisé par le pape François, le 14 octobre 2018. Mais les deux hommes sont très différents. Né Giovanni Battista Montini en 1897 près de Brescia, en Lombardie, Paul VI est issu d’un milieu bourgeois cultivé. À la différence des milieux catholiques de Rome ou de Sicile, le catholicisme lombard est "un catholicisme d’associations, de mouvements, d’insertion dans les structures sociales économiques politiques, différent du catholicisme romain ou sicilien", précise l'historien Étienne Fouilloux. Un catholicisme engagé donc, marqué par une forte participation à la vie politique.
Ordonné prêtre en 1920, le jeune Giovanni a vite été repéré pour ses qualités intellectuelles et spirituelles "hors du commun", décrit Étienne Fouilloux. Il a donc été envoyé à Rome pour poursuivre ses études. Quand il est entré à l’Académie des nobles ecclésiastiques - aujourd’hui Académie pontificale ecclésiastique - le futur Paul VI savait qu’il allait "devenir un haut cadre de la Curie romaine". Pourtant, ce n'était pas un carriériste. Cet homme "très réservé, un peu timide, qui ne s’extériorisait pas" et « qui lisait et observait beaucoup", ne faisait pas partie de coteries ou de cercles d’influence. Les relations qu’il entretenait étaient celles qu’il nouait au sein du cercle de la Fédération des universitaires catholiques italiens (Fuci), à Rome. Là, "il s’est ouvert vers l’extérieur", notamment à la faveur d’un voyage "très important" à Paris en 1924. Il y a découvert "le milieu Maritain" qui l’a fortement influencé par la suite. Le 12 décembre 1954, Giovanni Montini est devenu archevêque de Milan. Un diocèse où il s'est révélé comme "un excellent pasteur". "Il avait une image de prélat, de réformateur, actif, vigoureux."
Par un matin pluvieux d’octobre 1962, on a vu défiler place Saint-Pierre une longue procession de patriarches, archevêques et évêques. Ils sont venus du monde entier se réunir dans la basilique Saint-Pierre, siège du IIe concile œcuménique. Par eux, Mgr Montini, archevêque de Milan. Les uns et les autres le savaient, c’était un proche de Jean XXIII, qu’il avait rencontré plusieurs fois et avec qui "des liens se sont créés". On disait même qu’il était "le poulain" du pape.
Mgr Montini était, de tous les évêques et archevêques, parmi ceux qui avaient le mieux préparé leur diocèse au concile. Favorable à l’aggiornamento, il a toutefois "évité d’apparaître trop marqué". "Il apparaissait comme un modéré dans la majorité conciliaire", précise Étienne Fouilloux. Au cours des premiers mois du concile, l’archevêque de Milan est resté très direct. Il n’est intervenu que deux fois. En décembre 1962, on l’a vu appuyer "énergiquement l’intervention précédente du cardinal Léon-Joseph Suenens, de Malines-Bruxelles, demandant que ce concile qui au bout de trois a accouché de rien du tout ait un plan plus affirmé", rapporte l’historien. En juin 1963 le pape Jean XXIII meurt. Le concile connaît alors une interruption de neuf mois, le temps d’élire un nouveau pape et de s’organiser.
À la mort de Jean XXIII, l’archevêque de Milan était clairement parmi les papabile. Il avait une bonne connaissance de la Curie, il avait aussi fait ses preuves à la tête du diocèse le plus important d’Italie. "Ce n’est pas tellement une surprise qu’il soit élu, note Étienne Fouilloux, même s’il n’a pas été élu si facilement." Il lui restait de ses années à la secrétairerie d'État et à la Fuci quelques inimitiés. Ceux qui l’ont élu le voyaient en tout cas comme "l’homme de Jean XXIII" et attendaient de lui "qu’il continue le concile dans sa lignée".
Le 21 juin 1963, quand Paul VI a été élu pape, "personne ne savait si les choses allaient aboutir dans un délai correct" au sein du concile. Le nouveau chef de l’Église catholique avait "la tâche énorme d’accoucher dans un délai raisonnable de textes qui ne divisent pas trop l’Église et qui soient le plus largement acceptables au sein du concile et de l’Église".
Comment Paul VI a-t-il réussi ? D’abord grâce à son expérience de la Curie. Selon l’historien, il était "un homme d’organisation, beaucoup plus que Jean XXIII". Un homme qui savait "comment fonctionnent les choses et comment il faut les faire fonctionner pour aboutir". Paul VI a par exemple nommé quatre modérateurs du concile, pour organiser les débats. Les textes qu'il a fait aboutir étaient "modérément réformateurs." Et, contrairement à Jean XXIII, il s’est montré "beaucoup plus interventionniste dans le concile", aussi bien dans la procédure que dans le contenu des textes.
Étienne Fouilloux est historien, professeur émérite d’historien contemporaine à l’université Lumière Lyon-II, spécialiste de l’histoire de l’Église et du christianisme.
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