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Livre - "Il n'y a pas de cheval sur le chemin de Damas", de Florence Delay

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF, le 30 avril 2022 - Modifié le 27 février 2024
L'Actualité littéraireIl n’y a pas de cheval sur le chemin de Damas, de Florence Delay

Comme le dit dès le titre de son essai Florence Delay, "Il n’y a pas de cheval sur le chemin de Damas". C’est vrai, quand on se rapporte au texte des Actes des apôtres, point de cheval ! Saül, le persécuteur des premiers chrétiens, est bien jeté au sol mais ne tombe pas d’une quelconque monture. "S’il était tombé de moins haut, s’il avait été représenté sur un âne ou à pied, sa conversion aurait-elle été moins subite, violente, miraculeuse ? Moins spectaculaire, ça, oui !" écrit Florence Delay.

Florence Delay ©RCF / Christophe HenningFlorence Delay ©RCF / Christophe Henning

Le cheval est imposant, la patte pliée, la crinière épaisse, le sabot aiguisé… et l’homme en armes, cuirassé, mais à terre, bientôt en larmes, aveuglé, les mains tendues vers le ciel… Si vous n’avez plus l’image en tête de "La conversion de saint Paul" peint par le Caravage, précipitez-vous pour trouver une reproduction de ce tableau d’une force impressionnante.

 

Et pourtant, comme le dit dès le titre de son essai Florence Delay, "Il n’y a pas de cheval sur le chemin de Damas" (éd. Seuil). C’est vrai, quand on se rapporte au texte des Actes des apôtres, point de cheval, Saül le persécuteur des premiers chrétiens, est bien jeté au sol mais ne tombe pas d’une quelconque monture. « S’il était tombé de moins haut, s’il avait été représenté sur un âne ou à pied, sa conversion aurait-elle été moins subite, violente, miraculeuse ? Moins spectaculaire, ça, oui ! » écrit Florence Delay.

 

Inexplicable

 

Pourquoi je vous parle aujourd’hui de ce livre ? Parce que l’académicienne, au travers, essentiellement des récits bibliques, mais pas seulement, montre comment l’auteur peut grossir le trait, mettre en scène pour mieux faire comprendre son propos. Ce peut être l’écrivain, ce sont souvent les peintres, eux qui précèdent les romanciers dans la suite des siècles, qui ont su trouver les images qui parlent, qui racontent, qui disent quelque chose entre les lignes du réel, surtout pour dire les choses parfois les plus incompréhensibles. "Tout ce qui vient d’en haut est inexplicable, écrit encore Florence Delay. La lumière qui resplendit sur le chemin de Damas s’enroule autour de Saül, le fait chuter, et le transforme en Paul". Tomber de cheval, en ces circonstances, a quand même plus de panache !

 

Bestiaire

 

De nombreux récits sont nourris de cet imaginaire qui est l’autre nom du miracle. Quand le chien apporte à son maître Roch le pain qui fait la subsistance du saint pèlerin sur les routes. Le chien de Tobie, encore, qui l’accompagne dans sa quête du remède qui rendra la vue à son père. Un cheval, des chiens, mais aussi le serpent de la Genèse ou l’âne et le bœuf, qui soufflent sur le nouveau né : d’où viennent-ils ces deux-là, si ce n’est de notre désir de ne pas abandonner l’enfant au froid de l’étable ?

 

"Que le souffle tiède de deux animaux ordinaires ait réchauffé le nouveau-né extraordinaire, est une invention collective", constate Florence Delay. Elle qui a participé à la nouvelle traduction de la Bible Bayard il y a quelques années déjà, s’amuse du bestiaire qui dit à la fois notre capacité à l’imaginaire, et la richesse des symboles, du fantastique. S’il y a des pages savantes dans ce livre, d’autres sont presque comiques, quand elle évoque le cochon de saint Antoine ou la colombe de Noé : "Les colombes ignorent heureusement les symboles dont on les a chargées, elles ne pourraient plus voler."

 

Percevoir l'indicible

 

Si le livre de Florence Delay plonge dans la Bible, il fait aussi référence à de nombreux écrivains. Claudel, Péguy bien sûr, mais aussi Reverdy, Supervielle, Victor Hugo, Max Jacob, Bernanos et des peintres, des cinéastes comme Maurice Pialat… Autant d’artistes qui nous aident à percevoir l’indicible, qui nous "montrent" ce qu’on ne voit pas, ce qui nous échappe. Ils nous disent les choses. Et s’appuyant sur Giraudoux, Florence Delay insiste : "Dire le nom, c’est commencer une histoire, qu’elle appartienne au réalités d’en haut où à celles d’en bas." Laissons-nous tomber de cheval…

 

Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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