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À Grenoble, un musée pionnier

Un article rédigé par Guillaume Goubert - RCF, le 20 décembre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Les Histoires de l'artA Grenoble, un musée pionnier

Pour saluer le musée de Grenoble, il faut évoquer une bande dessinée. "Ailefroide altitude 3954", de Jean-Marc Rochette. Magnifique récit autobiographique sur le cheminement d’un jeune garçon vers sa vocation. Les premières pages posent le choix auquel Rochette sera affronté entre deux passions, l’art et la montagne. 

Extrait de Ailefroide altitude 3954, de Jean-Marc Rochette (éd. Casterman)Extrait de Ailefroide altitude 3954, de Jean-Marc Rochette (éd. Casterman)

Le livre s’ouvre au musée de Grenoble, dans les années 1960. Pré-adolescent, Rochette est en contemplation devant une toile de Chaïm Soutine, un bœuf écorché, peint en 1925 par cet artiste d’origine biélorusse. La maman de Rochette s’impatiente : "Ça suffit maintenant, il faut y aller. Tu le connais par cœur ce musée, depuis le temps que tu y passes tes journées." Et le garçon, buté, lui répond : "Non, je ne le connais pas par cœur."

 

Ce n’est certes pas un mensonge. Les collections du musée sont très riches. Notamment en art contemporain. Ce fut, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le premier musée de France à accueillir des peintres de leur vivant. Cela en fait un des premiers musées d’art moderne du monde. Le célébrissime Museum of Modern Art de New York a vu le jour dix ans après, en 1929.

 

Comment cette précocité du musée de Grenoble s’explique-t-elle ?

 

Cela tient beaucoup à une personne, Pierre-André Farcy, resté dans les mémoires sous son nom d’artiste, Andry-Farcy. Dessinateur et affichiste installé à Grenoble, il fut nommé en 1919 à la tête du musée de la ville, fonction qu’il assura jusqu’en 1949. Sans doute parce qu’il était lui-même artiste, Andry-Farcy a tout de suite souhaité intégrer aux collections des peintres de son temps. Et il a fait de très bons choix. Ainsi, en 1921, pour le premier tableau de Picasso à entrer dans une collection publique française. Andry-Farcy a acheté des œuvres, mais il a bénéficié aussi de dons d’artistes, heureux de pouvoir montrer leur travail dans un musée. Des collectionneurs ont également légué des œuvres en grand nombre. Si bien que l’on peut contempler à Grenoble des chefs-d'œuvre de Matisse, Modigliani, Bonnard, Fernand Léger, Braque, Chagall, Giacometti.

 

Le musée de Grenoble reste-t-il aujourd’hui un musée de pointe ?

 

L’esprit d’Andry-Farcy est bien vivant. Ce musée a eu la chance d’attirer de grands directeurs qui ont poursuivi son œuvre : Jean Leymarie, Marie-Claude Beaud et Guy Tosatto, qui prendra prochainement sa retraite après avoir dirigé le musée pendant plus de 20 ans. Ces directeurs ont continué d’enrichir la collection en art contemporain. On peut ainsi voir à Grenoble des tableaux magnifiques de Nicolas de Staël, Miro, Soulages, Joan Mitchell, Andy Warhol ou Sigmar Polke…

 

Depuis 1994, le musée bénéficie d’un très beau bâtiment conçu par les architectes Philippe Macary, Olivier et Antoine Félix-Faure. Assez vaste pour permettre de grandes expositions, comme celle intitulée “De la nature”, dont j'ai eu l’occasion de parler il y a quelques jours dans l’émission "Effervescence" de Stéphanie Gallet. Ce bâtiment met aussi en valeur les collections d’art ancien, très riches également. Le musée de Grenoble fut l’un des premiers fondés en province. C’était en 1798. Décidément, ce fut un musée pionnier !

 

Les Histoires de l'art © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Les Histoires de l'art
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