Peut-on encore découvrir quelque chose sur un peintre aussi réputé que Nicolas Poussin ? La réponse est oui, on peut encore faire des découvertes sur ce peintre du XVIIe siècle, né aux Andelys, en Normandie, en 1594 et mort à Rome en 1665. Une exposition au musée des Beaux-Arts de Lyon en fait la démonstration.
Poussin est considéré traditionnellement comme un maître sérieux et digne, peintre de la vertu et de l’élévation de l’esprit, très porté sur les sujets religieux traités de manière hiératique dans une gamme de teintes plutôt sombre. Or, à Lyon, on voit des tableaux lumineux, colorés et dont les sujets n’ont rien d’austère puisqu’il est question d’amour et de désir, évoqués de manière sensuelle, à la limite de l’érotisme.
Ces tableaux ne sont pas franchement indécents, mais tout de même très évocateurs. Il s’agit de scènes mythologiques, empruntées le plus souvent aux "Métamorphoses" d’Ovide, poète latin du premier siècle. Il est question des amours de Pyrame et Thisbé, d’Acis et Galatée, d’Écho et Narcisse. Nicolas Poussin représente Vénus endormie convoitée par des satyres. Et puis des scènes de bacchanales, mot dérivé du nom de Bacchus, le dieu romain de l’ivresse et du plaisir des sens.
Ces tableaux n'étaient pas inconnus. En revanche, on peut dire méconnus. Ils étaient facilement considérés comme des "péchés de jeunesse", commis par Poussin au début de sa carrière pour satisfaire des acheteurs de ce type de tableaux avant qu’il n’en vienne aux choses sérieuses. L’esprit de sérieux a conduit d’ailleurs un historien d’art anglais, Anthony Blunt, l’un des plus grands experts de Nicolas Poussin, à refuser d’attribuer au peintre la paternité de certains des tableaux exposés à Lyon. Car ils lui paraissaient trop frivoles. Erreurs corrigées depuis, par d’autres experts, notamment l’académicien Pierre Rosenberg, ancien directeur du musée du Louvre.
Précisons au passage qu’Anthony Blunt, né en 1907 et mort en 1983, est resté célèbre pour une autre raison. Il fut l’un des cinq de Cambridge, ces espions recrutés par l’Union soviétique dans la prestigieuse université britannique. Avant Anthony Blunt, d’autres ont cherché à minimiser la dimension sensuelle de ces œuvres de Poussin. Plusieurs de ces tableaux ont été retouchés pour y ajouter ce que l’on appelle des "drapés de pudeur". D’autres ont été redécoupés pour s’en tenir à ce qui était jugé convenable. Dernier point à souligner, s’agissant des coloris des tableaux. L’intensité de leurs couleurs a été révélée par de récentes restaurations, travail qui joue un rôle important pour l’histoire de l’art.
On peut considérer les travaux de jeunesse de Nicolas Poussin comme des œuvres secondaires. Pourquoi pas. Mais à condition de ne pas sous-estimer la qualité impressionnante de ces tableaux. Et puis il faut évoquer le dernier tableau de l’exposition, une toile très émouvante, car Poussin n’est pas parvenu à la terminer avant sa mort. Elle est intitulée Apollon amoureux de Daphné. Comme si le vieux le peintre au seuil du tombeau avait voulu se remémorer la vitalité de la jeunesse.
> Exposition "Poussin et l'amour", au musée des Beaux-Arts de Lyon, jusqu'au 5 mars 2023
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