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Eugène Atget, le piéton de Paris 

Un article rédigé par Guillaume Goubert - RCF, le 29 novembre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Les Histoires de l'artEugène Atget, le piéton de Paris 

Libourne près de Bordeaux, la ville natale d’Eugène Atget, a voulu rendre hommage à ce précurseur de la photographie, né en 1857 et mort à Paris en 1926, quasi inconnu avant d’être élevé plus tard au rang de grand maître. À vrai dire, il a vécu fort peu de temps à Libourne. Il passe une partie de son enfance et de sa jeunesse à Bordeaux avant de rejoindre Paris où il rêve de faire une carrière d’acteur. Il n’y parviendra pas. 

Les quais en hiver, brouillard, Paris (Musée Carnavalet)Les quais en hiver, brouillard, Paris (Musée Carnavalet)

Cherchant un moyen de gagner sa vie, Eugène Atget se met à la photographie en autodidacte. Et se spécialise dans deux domaines. Il photographie des objets ou des bouquets de fleurs et vend les clichés à des peintres qui s’en servent comme modèles pour leurs tableaux. Il entreprend de photographier Paris sous toutes ses coutures afin de constituer des albums qu’il vend à des particuliers amoureux de Paris ou à des institutions. Comme le musée Carnavalet, le musée d’histoire de la ville de Paris qui s’est ainsi constitué une importante collection de tirages.

 

Comment travaillait Eugène Atget ?

 

Il faut imaginer cet homme se déplacer dans Paris avec une chambre photographique qui pesait 20 kilos. Cet appareil demandait des temps de pose importants. Sur beaucoup de ses photos, il n’y a pas de présence humaine, car il était difficile d’obliger les passants à rester immobiles le temps nécessaire pour que l’image soit nette. Parfois, il y a une silhouette plus ou moins floue, un peu fantomatique, ce qui ajoute une forme de poésie aux images.

 

Au total, Atget a pris près de 10.000 photos, toutes au même format, 18 par 24. Avec un étonnant souci de collectionner les images sur certains thèmes, comme on peut le voir à l’exposition de Libourne : les heurtoirs sur les portes cochères, les façades de café ou les différents véhicules hippomobiles en usage dans Paris. Atget photographie une ville en train de se transformer profondément, dans l’élan des travaux haussmanniens. Bien des lieux qu’il a photographiés n’existent plus aujourd’hui.

 

Photographie documentaire ou photographie artistique ?

 

Vaste débat ! La démarche d’Atget, au départ, est d’ordre documentaire. On l’a parfois surnommé "le Douanier Rousseau de la photographie" en référence à l’un de ses contemporains qui produisait une peinture très naïve. Je ne trouve pas que la comparaison soit très bonne. Le douanier Rousseau cherchait tout à fait consciemment à faire de l’art. Eugène Atget cherchait avant tout à documenter Paris. Mais il a travaillé avec un tel soin que beaucoup de ses images ont une grande valeur artistique. Il exprime au travers de ses images un regard d’une grande douceur et un peu rêveur qui nous touche profondément. En cela, il a été un véritable artiste.

 

Atget a vécu discrètement et pauvrement. La chance a voulu qu’à la toute fin de sa vie, il fasse la connaissance d’une photographe américaine, Berenice Abbott, qui a été frappée par l’ampleur et la qualité de son travail. À la mort d’Atget, elle a racheté ses archives, les a emmenées aux États-Unis où elle les a exposées. La reconnaissance d’Eugène Atget est venue par l’Amérique. Cela explique que son nom soit souvent prononcé "Atgette".

 


> Exposition "Eugène Atget, poète photographe", jusqu’au 19 février à la chapelle du Carmel de Libourne

 

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