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À la découverte du taoïsme avec Wu Yun, un moine ermite du VIIIe siècle

RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
DialogueSagesse et mystique dans la Chine ancienne

Le taoïsme : quelle est cette voie empruntée par la spiritualité chinoise ? Comment décrypter cette tradition des exercices spirituels propres à la Chine ancienne ? Et comment peut-elle nous faire réfléchir sur nos propres traditions ? Sarah Brunel reçoit Olivier Boutonnet, sinologue, docteur en histoire des religions à l’École pratiques des hautes études (ÉPHE), spécialiste de l’histoire du taoïsme et de la religiosité lettrée dans la Chine médiévale. Il vient de publier "Le char de nuages - Érémitisme et randonnée céleste chez Wu Yun, taoïste du VIII siècle" (éd. Les Belles Lettres, 2021).

Une fidèle dépose de l'encens dans un temple taoïste en Birmanie ©Patrice AROCA/CIRICUne fidèle dépose de l'encens dans un temple taoïste en Birmanie ©Patrice AROCA/CIRIC

Qu’est-ce que le taoïsme ?

Le taoïsme est une notion complexe, prévient le sinologue. "C’est l’ensemble des phénomènes mystiques et religieux qui s’articulent autour du canon taoïste, autrement dit c’est une communauté religieuse qui partage un même corpus et un même projet sotériologique, qui est le changement des temps ontologiques, le salut, c’est-à-dire le passage à l’immortalité."

Le taoïsme pénètre en Chine au début de notre ère. À partir du milieu du IIe siècle, il se constitue de manière aboutie, avec différentes écoles, jusqu’à s’institutionnaliser vers le VIe siècle. À partir de là, "le taoïsme et le bouddhisme vont se disputer le patronage impérial, les faveurs de l’empereur, et on va assister à ses disputations, des controverses". Mais il ne faut pas oublier la grande richesse des cultes locaux et des religions populaires de la Chine d’alors. 

 

L’itinéraire de Wu Yun

Dans son livre, Olivier Boutonnet nous propose de découvrir le taoïsme à partir de la vie de Wu Yun, moine ermite du VIIIe siècle. On a souvent en tête l’image de sages chinois installés dans la montagne. Wu Yun a vécu les dernières années de sa vie sur les flancs d’une colline. "Les flancs verdoyants de cette belle colline l’ont abrité à la fin de son existence." Le chercheur s’est lui-même rendu jusqu’à la grotte où le sage aurait entreposé ses ouvrages et où il serait lui-même inhumé. Pour trouver sa "chambre de pierres", comme il l’appelait, il faut se rendre dans un village situé à l’ouest de Hangzhou, dans la province du Zhejiang, où elle est cachée derrière une ferme. 

Lettré taoïste de renom, Wu Yun était le fils d’un préfet, et le petit-fils de fonctionnaire. Le statut administratif de son père lui a permis d’accéder aux meilleures écoles et de passer des concours pour devenir fonctionnaire. Après avoir échoué à l’un des examens, le plus élevé, il a décidé de se retirer du monde. En 745, Wu Yun est devenu prêtre taoïste. Il a beaucoup écrit, notamment des poèmes et des traités, dont l’un est un véritable catéchisme du taoïsme.

 

L’érémitisme selon Wu Yun

De la Grèce à la Chine, en passant par l’Orient chrétien, de l’Antiquité au Moyen Âge, il y a beaucoup de caractéristiques communes de l’érémitisme. Mais il y a dans le monde chinois singularité propre dans son rapport au corps. "Le corps est beaucoup plus investi, explique Olivier Boutonnet, là où les Pères du Désert se retirent dans des contrées inhospitalières... l’ermite chinois va se retirer dans des coins plutôt sympathiques, accueillants, et là, il va essayer de recréer en lui-même toute l’harmonie organique qu’il va pénétrer en contemplant la montagne, la forêt…"

L’érémitisme marque la vie de Wu Yun, qui a vécu partiellement retiré du monde. "L’essentiel de sa vie correspond plutôt à ce que l’on pourrait appeler une forme d’idiorythmie, pour reprendre la formule de Barthes." C’est-à-dire "un semi-érémitisme, sans aucune rigidité ni radicalité du retrait, un mode de vie qui favorise les échanges, les conversions et qui pose la question de la solitude".

Sortir ou se cacher, se taire ou s’exprimer : dans toute l’histoire de l’érémitisme chinois, se dessinent deux formes de retrait, un retrait circonstanciel, c’est-à-dire adapté aux circonstances ou bien existentiel. L’approche de Wu Yun "concilie ces deux modalités" du retrait, auxquelles "il ajoute le rapport de la destinée individuelle par rapport à la destinée collective". Il s’agit de "tirer des leçons de l’histoire, de savoir ce qui relève de la destinée collective" et de savoir se situer par rapport à elle. Pour lui, ajoute Olivier Boutonnet, "le retrait spirituel est une condition sine qua non pour parvenir à l’accomplissement spirituel, c’est dire atteindre l’état d’authentique".

 

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